• Je relis mon article précédent, et mes propres considérations sur la "vie gratuite" ou non me font réfléchir.

    J'écris dans l'article précédent que je ne veux pas avoir une vie gratuite.

    Ce qui est intéressant, avec le fait de rapporter ces réflexions par écrit, c'est de figer un aspect de soi à un moment donné. Une réflexion, c'est presque un autoportrait de soi à un moment donné.

    L'autre jour je jetais un oeil sur une sorte de carnet poétique / journal intime que je tenais au collège. J'y écris beaucoup de choses qui relèvent vraiment du passé.

    Ce qui est génial avec le fait de vivre longtemps, c'est le fait d'évoluer, et d'avoir une réflexion qui évolue. La vie est souvent un roman initiatique pour chacun. Si ce n'est pas le cas, c'est dommage.

    "Cheminer" : cheminer, c'est accomplir un chemin. Accomplir un chemin, c'est partir d'un point A pour allez jusqu'à un point Z. C'est se déplacer. C'est bien, la notion de déplacement.

    Cheminer, c'est ne pas rester figé, campé dans ses positions : c'est aller dans une certaines direction, subir des revers, avoir des doutes, garder le cap, ou parfois changer d'avis.

    Cheminer, en tout cas, c'est marcher vers une certaine destination.

    Je crois que nous cheminons tous pour atteindre le bonheur. Il y a beaucoup de gens aussi qui cherchent un accomplissement ultime qui leur est impossible à atteindre : s'ils l'atteignaient, vivre ne serait plus très intéressant, puisque l'intérêt, c'est la recherche. C'est un peu bateau à dire, mais le plus intéressant, c'est souvent davantage le chemin plutôt que la destination.

    Donc on cherche.

    Bref. Les réflexions que j'ai eues au début de ce blog, par exemple, ne sont plus celles que j'ai aujourd'hui. Les réflexions passées sont des "instantanés" de ce que j'étais intérieurement à un certain moment. 

    Entre-temps, j'ai cheminé. Et je continue de cheminer. Et j'espère continuer de cheminer encore très longtemps.

    Dans ma note précédente, donc, je parlais de "vie gratuite" :  de mon souhait de ne pas tenir une vie gratuite.

    Il me semble en me relisant que ce n'est pas la bonne manière de poser les choses. Après tout, quelle vie n'est pas gratuite ? Peut-être peut-on retourner la question, et demander : "quelle vie est gratuite ?".

    Je ne sais pas.

    Il faut accepter les choses telles qu'elles sont. Il faut profiter de ce qui nous est offert. 

    Après tout, si on y réfléchit bien, quel est l'intérêt de laisser des traces ? Il y a-t-il un véritable intérêt à rechercher l'immortalité à travers la postérité ?

    Peut-être pas.

    Peut-être au contraire vaut-il mieux accepter la disparition. Rester humble, et simple.

    Tout bien réfléchi, je ne veux pas faire des bandes dessinées pour montrer que je ne suis pas sur Terre pour rien : non, je veux faire des bandes dessinées parce que je cherche à me faire éprouver du plaisir, et à partager ce qui m'intéresse. Je veux faire des bandes dessinées pour jouer et pour continuer à cheminer.

    Car, ce qui est bien, c'est de se passionner. Et on ne se passionne pas pour quelque-chose par orgueil : au contraire, on se passionne pour quelque-chose parce que ce centre d'intérêt nous parait avoir plus de sens, justement, que notre propre existence. Mais, de cette manière-là, notre vie prend justement plus de sens. C'est ça qui est beau.

    Les gens qui atteignent une certaine postérité, en général, n'ont pas pour objectif de l'atteindre : ils vivent simplement subordonnés à ce qui les passionne. A ce qui leur fait éprouver le plus de plaisir.

    Il y a une phrase assez célèbre, dite par un certain Robert Fillioux : "l'Art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'Art". 

    Cette phrase est à méditer. 

    Se passionner pour la vie, en cheminant, sans chercher absolument à vivre une vie qui ne soit pas gratuite. C'est peut-être une bonne idée.

     

     

    (en illustration, une photographie du travail de ma grand-mère prise par ma soeur Gwenaëlle)


    1 commentaire
  •  

    J'ai l'impression que s'ennuyer, c'est plus ou moins souffrir de l'existence.

    L'existence, c'est du temps qui passe, les secondes, les minutes et les heures qui s'écoulent, c'est la perception du monde et la conscience de soi.

    Ne pas être en vie, cela n'est rien du tout. Ni conscience de soi, ni perception du monde, ni temps qui passe. 

    Des gens disent que la mort n'existent pas parce qu'ils pensent que la mort revient à l'inexistence. Instinctivement, je suis d'accord avec ça, et intellectuellement aussi d'ailleurs. C'est intéressant de savoir qu'il y a des gens en état de mort clinique qui aperçoivent une vie après la vie, et même des gens qui ne meurent pas du tout mais éprouvent tout de même des "sorties du corps", mais savoir que ces "expériences aux frontières de la mort" ne représentent que 10% des cas de mort clinique, ça relativise déjà les choses. Ça fait quand même 90% de gens qui n'ont pas d'expériences aux frontières de la mort. Que se passe-t-il pour ceux-là ? Alors quoi ? Il n'y a que 10% des gens qui ont un "corps astral", ou quoi ?

    Le mystère est très épais sur ces questions-là. Mais je sais qu'elles existent et je ne prends donc pas position de manière définitive sur un point de vue ou un autre. Je pense qu'il est extrêmement fort possible qu'après ma mort ma conscience devienne simplement inexistante. Mais je n'élimine pas totalement la possibilité que ma conscience puisse survivre car les "expériences aux frontières de la mort" (disons "NDE" : "near death experiences") me semblent être à prendre extrêmement sérieusement étant donnés les témoignages voire certaines preuves prouvant a priori que ces "expériences" ne seraient pas dûes à l'activité du cerveau.

    Du coup, c'est comme Dieu : je suis agnostique sur ces questions-là. J'ai plutôt tendance à ne pas croire en Dieu (bien que ça dépend toujours évidemment de ce qu'on entend par Dieu), et j'accorde du crédit aux NDE sans pour autant adhérer spécialement à l'idée qu'il puisse y avoir une vie après la mort.

    J'accepte de ne pas savoir, j'accepte d'être ignorant.

    Quoiqu'il en soit. Nous allons partir du postulat qu'il n'y ait rien après la mort. L'ennui, c'est souffrir de l'existence, car l'ennui n'existe pas lorsque l'on ne vit pas. Et, l'ennui, c'est souffrir de ne rien avoir à faire, c'est souffrir de ne pas réussir à s'occuper. C'est donc, de manière momentanée, s'ennuyer de la vie.

    Je me souviens que, petit, je m'ennuyais facilement, et je ne pensais qu'à jouer. Aujourd'hui, je connais un garçon de sept ans qui est comme ça, lui aussi : il doit occuper le temps, le faire passer, sinon il s'ennuie.

    Pour profiter pleinement de la vie, il me semble qu'il faut trouver le moyen de ne pas s'ennuyer. Quelqu'un qui s'ennuie n'est pas en train de profiter de son existence sur Terre.

    Pourquoi un enfant risque-t-il si facilement de s'ennuyer ? L'enfant est dans l'apprentissage de la vie. Il l'expérimente et la tâtonne. L'ennui fait partie de la vie. Il tâte l'ennui.

    Ce qui est curieux, c'est que même un enfant ne se souvient pas de l'époque où il était bébé. Et le temps passe pour lui très lentement. Aussi jeune soit-il, je suppose qu'il doit avoir l'impression de vivre depuis longtemps, presque depuis toujours, peut-être, bien qu'il soit encore dans la découverte.

    Un enfant de six ans n'a beau être en vie que depuis six ans, il est déjà dans l'incapacité d'imaginer ce que peut être ne pas vivre. Et c'est bien normal, puisqu'il n'y a a priori rien à imaginer. 

    Là où je veux en venir, c'est qu'on ne se souvient pas de nos toutes premières années. On ne se rappelle pas du début de notre vie. Le fait de ne pas se souvenir du tout début, il me semble que ça nous aide à nous croire immortels. On est nés et on mourra, mais nous ne nous souvenons pas de notre naissance et la mort peut advenir de manière très brutale. C'est curieux, ça. On n'est conscient d'aucune de ces deux extrémités. Du coup, c'est difficile d'admettre que nous sommes mortels. Non ?

    Je ne sais pas.

    La mort est belle lorsqu'elle se tient en équilibre vis-à-vis de la naissance, de la vie. Mais elle me semble tout de même difficile.

    Il me semble qu'un homme heureux ne s'ennuie pas. Quelqu'un qui s'ennuie ne profite pas de l'existence. 

    Aujourd'hui, je me suis ennuyé. Pire : j'étais désoeuvré.

    Quand je vous parle d'ennui, ici, je vous parle de ça : de désoeuvrement.

    Le fait est que, quitte à être en vie, il faut en faire quelque-chose. Genre, gagner son propre argent, justement pour pouvoir vivre. Trouver un métier.

    J'aime la bande dessinée, j'aimerais faire des bandes dessinées, et je me suis dit que je voulais devenir auteur de bandes dessinées. Ce souhait date d'une époque où j'avais de nombreux personnages de la tête, vivant leurs aventures dans mon imaginaire.

    Aujourd'hui, j'ai des idées de personnages, mais ils ne sont pas présents en moi. Ils ne vivent pas leurs propres vies dans la mienne. Ils ne vivent pas dans mon esprit. Parce que je ne pense pas à eux.

    Aujourd'hui, si je veux faire des bandes dessinées, c'est parce que, d'une : je pense pouvoir renouer avec ce Florian qui avait la tête pleine de personnages, vivant leur vie tant que je vis la mienne. Et, d'autre part, parce que je ressens le désir fort d'accomplir quelque-chose.

    Accomplir quelque-chose. Il y a des choses que je sais : je ne serais jamais J.K Rowling. Jamais je n'écrirai quelque-chose comme Harry Potter.

    Harry Potter. Harry Potter se confronte à la mort. Et il ne semble pas complètement désespéré face à la mort. Il n'a pas l'air de se poser de questions existentielles. C'est parce qu'il n'en n'a pas besoin : Harry Potter est là pour sauver l'humanité de Voldemort. Harry Potter a un sens. Sa vie a une fonction, ilsert l'Histoire. Il est l'Elu.

    J.K Rowling, sa vie a eu un sens pour tout le monde parce qu'elle a partagé cette si belle histoire avec nous.

    L'existence de Barack Obama a également un sens, parce qu'il influe sur l'Histoire. 

    Je ne suis ni Harry Potter, ni J.K Rowling, ni Obama. Par contre, il y a quelque-chose de vrai : une personne existante influe nécessairement sur l'existence de ceux qui l'entourent. De là peut peut-être se dégager du sens.

    Et il y a autre chose de vrai : si je suis heureux, peut-être que je me poserai moins de questions.

    C'est vrai que, globalement, je suis plutôt heureux. Pourtant, aujourd'hui, j'ai été désoeuvré. Et je ne me fais pas à l'idée que mon existence puisse ne pas être aussi signifiante que celle de certaines personnes célèbres. J'aimerais que ma vie ait un sens.

    Les bandes dessinées que je pourrais peut-être faire un jour pourraient-elles m'aider à trouver un sens ? Je n'en suis pas sûr. Tout ce que je pourrais dire, transmettre, aura déjà été dit ou transmis. Car je ne suis pas philosophe, je n'ai dû lire que deux trucs de philo au lycée, je ne connais pas vraiment la pensée de Roland Barthes, Deleuze ou même Levi-Strauss, et je ne serais sans doute jamais à leur hauteur : en réalité, je ne suis absolument pas un intellectuel. Je ne sais pas ce que Barthes, Deleuze ou Levi-Strauss nous disent. Je ne ne me rends pas compte de la valeur de ce qu'il ont pu apporter à leurs congénères. 

    Pourtant, la vie de l'esprit est importante.

    Encore une chose, par rapport à cette histoire de vie et de mort : être en vie, c'est avoir conscience de soi, c'est avoir un esprit qui réfléchit et qui pense, un esprit qui envisage sa propre mort. Cet esprit, il est conditionné par le corps : le corps permet l'esprit, qui réside dans le corps. La mort, c'est la mort du corps, mais comme l'esprit est permis par la vie du corps, la mort du corps est également la mort de l'esprit. Il me semble que c'est ça, qui est le plus dur à accepter. Cette chair, cette peau, ces organes, s'ils crèvent, c'est aussi moi qui crève, ma conscience, qui crève. C'est ça, bien sûr, qui est embarrassant. Le "moi", la conscience, je ne sais pas ce que c'est, mais je sais qu'elle est permise par la vie animant mon corps et je sais qu'elle s'arrêtera avec. A priori.

    Je ferme la parenthèse. Barthes et Deleuze sont des gens qui écrivent des choses compliquées. 

    Un jour, ma soeur aînée m'a offert un cadeau inestimable, sans doute le meilleur cadeau qu'on m'ait fait jusqu'ici. Excepté, récemment, un mug (sans compter non plus le sweat "punk"… à bien y réfléchir, ça aussi, c'était un cadeau très cool). Il s'agissait d'un livre qui s'appelle "Les philo-fables". Il s'agit simplement d'un recueil de fables.

    Les fables, et plus généralement les histoires, sont porteuses de sens, de réflexions, et aussi d'expériences et de voyage, d'une certaine perception des choses, du monde. 

    Alors, oui, comme je ne suis pas philosophe, je n'ai pas réellement quoi que ce soit à exprimer qui changera le monde ou donnera du jour au lendemain un sens à ma vie. Mais quand même : une histoire transmet une réflexion, peut-être humble, sans doute beaucoup plus simple que celle d'un Deleuze ou d'un Barthes, mais qui a tout de même son importance. Et il y a certaines vérités qu'il ne faut pas hésiter à rabâcher, me semble-t-il, même lorsqu'il s'agit d'enfoncer des portes ouvertes.

    Alors voilà : je veux faire des bandes dessinées pour enfoncer des portes ouvertes. Pour faire voyager, pour faire expérimenter et faire percevoir d'une certaine façon, pour apporter une réflexion-porte ouverte.

    Il y a tout de même un problème : avant de raconter des histoires, pourquoi ne pas profiter des celles des autres ? J'ai déjà lu des choses. J'ai déjà lu des choses que j'ai énormément aimé.

    Les Harry Potter. Siddharta et Narcisse et Goldmund d'Hermann Hesse. Le monde selon Garp et Une prière pour Owen, de John Irving. Demande à la poussièrede John Fante. Zazie dans le métro de Raymond Queneaud. 

    Je ne vais pas faire toute la liste. Il y a beaucoup de livres que j'ai déjà lu et que je porte un peu en moi. Mais, voilà : il me reste encore plein de Hermann Hesse à lire. Plein de John Irving à lire. A quand ma lecture des annales du disque-monde ?… A quand ma découverte de Paul Auster ? A quand ma lecture duLangage des oiseaux de 'Attar ?… Ce livre, il faut que je le lise !…

    Il y a tellement de livres à lire. Ce qui m'intéresse avec la bande dessinée, c'est l'idée d'exploiter un médium qui ne comporte pas encore trop de monuments.

    Je me sentirais totalement insignifiant, à vouloir devenir romancier ou écrivain.

    Donc, je veux faire de la bande dessinée pour transmettre ce que tout le monde sait déjà. Pourquoi faire ? Parce que, idéalement, ça serait transmis avec un certain regard qui serait le mien. Et donc ce serait intéressant. 

    Ce qui est intéressant avec les oeuvres des gens, c'est qu'ils nous permettent de sortir de nous-mêmes, de notre propre perception du monde. Et c'est enrichissant. C'est un voyage. Un livre ou une bande dessinée ou un film, ça peut être être une transmission, un héritage, quelque-chose qu'on laisse et qui sera encore découvert par des individus après notre mort.

    Car le fait est que l'idée de mourir sans avoir laisser un héritage un tant soit peu consistant ne m'emballe pas. Je n'aime pas l'idée de ne pas laisser des traces après ma mort. Alors je veux laisser des traces : pour que les gens sachent que j'ai existé. Pourquoi vouloir que les gens sachent que j'ai existé ? Parce que si personne ne sait que j'ai existé, mon existence me paraît absurde.

    En fait, le gros problème, le vrai problème, et que je ressens depuis très longtemps maintenant, c'est que je ne veux surtout pas mener une vie qui puisse être considérée comme ayant été entièrement gratuite.

    Je ne veux pas d'une vie gratuite. 

    Donc, j'ai le désir d'accomplir. Si j'arrive à accomplir un jour un travail digne d'intérêt, alors peut-être que ma vie n'aura pas été complètement gratuite.

    Il y a plein plein de gens dont l'existence ne me paraît pas gratuite. Les auteurs que j'aime lire. Les dessinateurs que je jalouse. Les acteurs et les actrices que j'appécie. Les équipes des films qui m'on marqués. Les créateurs des séries télé qui me font passer un moment agréable. Certains hommes politiques, ou certains hommes (ou femmes) concerné(e)s par la politique et qui le font savoir. Ceux qui chercher à changer les choses en mieux. Et, bien entendu, les gens qui m'entourent, et qui m'aident à me sentir assez heureux.

    Il y a un problème avec tout ça : accomplir, c'est énormément de travail en amont. Pour accomplir, il faut avoir du talent. Beaucoup de gens disent que le talent, c'est comme la chance, ça n'existe pas : c'est du travail, de la passion, un vif intérêt pour quelque-chose.

    Encore une parenthèse. Une réflexion qu'il me semble avoir entendu quelque-part il y a longtemps et qui me semble très pertinente : les gens dans l'Histoire qui ont fait bouger les choses, n'étaient pas des gens normaux. 

    Celui qui a inventé la roue n'était pas n'importe qui. Les grands inventeurs, les grands scientifiques, les grands écrivains, qui ont fait avancer l'humanité, n'étaient pas des gens ordinaires : quelqu'un d'ordinaire ne s'amuserait pas à inventer la roue, il aurait autre chose à faire.

    L'humanité a accès à ce qu'il peut posséder aujourd'hui, grâce à des individus hors du commun et profondément passionnés. Ce n'est pas l' "homme" qui a fait ci ou ça, ce n'est pas "l'homme en général" qui nous permet aujourd'hui d'aller dans l'espace, de s'informer de ce qui a suivi le big bang, d'en savoir plus sur la Préhistoire… Ce sont certains hommes, relativement bizarres, aux parcours très atypiques et qui n'ont même pas dû avoir une vie sociale tout à fait normale tellement leur passion leur était prioritaire et dévorante. Ce sont presque des surdoués.

    L'autre jour, je repensais à un type, au collège, qui était archi-passionné par le cinéma mais qui s'est finalement dirigé vers la médecine. Il n'a sans doute pas eu tort.

    A quoi bon accomplir ce qui n'a pas besoin d'être accompli ? Il y a beaucoup de choses dont on pourrait se dispenser.

    Peut-être qu'on pourra se dispenser de ce que je ferai plus tard. Mais je crois que, de toutes manières, ça me servirait en premier lieu à moi. Si un jour j'ai la chance de pouvoir raconter des histoires, je crois que ça servira avant tout à mon propre épanouissement personnel : j'aurai le sentiment d'accomplir un travail, de faire quelque-chose de pas complètement gratuit, et donc cela m'aidera à trouver mon propre bonheur.

    Car, ce que je cherche avant tout, c'est évidemment ça : le bonheur. Il me semble qu'atteindre mes objectifs me permettraient d'accéder à une certaine idée du bonheur.

    Si je peux obtenir un jour le bonheur autrement que de cette manière-là, je suis disposé à y réfléchir.

    En effet, je ne suis pas sûr d'atteindre mes objectifs : j'ai dit que le talent, c'était du travail et tout ça. Ben, c'est vrai. Et je ne suis pas un travailleur.

    Mon dessin n'est pas au niveau et je ne me sens pas doué tous les jours. Accomplir, et accomplir quelque-chose de pertinent, de digne d'intérêt, il me semble que c'est avant tout une difficulté colossale à affronter.

    Suis-je prêt à me confronter à cette difficulté colossale ? Pas pour l'instant. Pour en être capable il faut que je travaille, pour me mettre au niveau, pour avoir quelque-chose d'intéressant à apporter. Pour l'instant je n'ai pas les outils qui me permettront peut-être un jour de raconter des choses intéressantes. Je cherche ces outils. Je dois travailler dur pour les obtenir. Ce n'est pas facile de travailler dur.

    Aujourd'hui, j'aurais pu travailler dur. J'aurais  travailler dur. Et je n'ai pas travaillé dur.

    C'est possible que le talent, ce soit juste une question de travail. Mais qu'en est-il si l'on ne sait pas travailler ?

    A court terme, j'aimerai mieux regarder plein de séries télé et lire plein de bandes dessinées plutôt que de travailler. Mais à long-terme, j'aurais le regret de ne rien avoir accompli.

    Aujourd'hui, j'en suis à devoir travailler. Si je n'arrive pas à travailler, je n'arriverais pas à dessiner mieux, et à ce moment-là je n'aurais plus qu'à me ré-orienter. Tous les objectifs que je me suis fixés jusqu'ici seront remis en cause. Je n'aurai plus qu'à me restreindre à une vie confortable où je ne sais pas ce que j'accomplirai. Où je ne sais pas si j'aurai l'occasion d'accomplir quoi que ce soit.

    Si j'arrive à travailler, je trouverai une maîtrise suffisante à mon dessin pour que cette maîtrise puisse me servir à renouer avec le Florian qui aime raconter des histoires.

    Aujourd'hui, je n'ai pas réussi à travailler. Aujourd'hui j'étais désoeuvré.

    Cela ne doit pas durer.

    Si ça dure, je devrais peut-être me ré-orienter, et je n'en ai pas envie. Il faut que je sois déterminé, que j'arrive à travailler. Pourquoi est-ce que je n'étais pas déterminé aujourd'hui ?

    La vérité, c'est que je n'aime pas travailler, je n'aime pas devoir travailler, j'aime me mettre dans la posture de celui qui n'est pas près d'accomplir quoi que ce soit, puisqu'il perd plus ou moins son temps.

    Je n'aurais jamais pu inventer la roue. J'aimerai au moins raconter un jour des histoires. Mais je ne suis même pas sûr d'être capable de travailler.

    C'est très embarrassant.

     


    2 commentaires
  • J'aimerai réussir à dessiner quelque-chose dans mon carnet footing.

    J'aimerai savoir dessiner comme je veux d'un coup de baguette magique.

    J'aimerais me sentir doué.

    J'aimerai ne pas ressentir le besoin d'accomplir quoi que ce soit.

    J'aimerais pouvoir vouloir devenir bibliothécaire.

    J'aimerai ne pas avoir de travail à faire.

    J'aimerai regarder plein de séries télé sur internet. J'aimerai pouvoir arrêter le temps.

    J'aimerai ne pas avoir de doutes.

    Peut-être que j'aimerai ne pas savoir qu'un jour je vais mourir.

    J'aimerais ne pas avoir passé une matinée stérile à me sentir incapable.

    J'aimerai avoir le temps et l'envie de lire des romans et des bandes dessinées.

    J'aimerai avoir une ambition à la hauteur de ce que je sais faire.


    votre commentaire