• Voyage, voyage

    Ce soir, je suis tout seul.

    Je suis rentré à Strasbourg et mes colocs sont absents. Chez ma mère, il y a mes soeurs, il y a du monde. Mais ce soir je suis tout seul à Strasbourg.

    Je crois qu'il n'y a rien de plus effrayant que la solitude dans la ville.

    La solitude dans la nature, c'est différent. A court terme, ça peut être carrément vachement bien. Cet été, j'ai découvert une émission géniale, "Faut pas rêver", c'était sur le grand ouest canadien. C'était génial. C'est dingue, de pouvoir voyager comme ça à travers une simple petite télé. Mais ça ne remplace pas le vrai voyage. Ça reste une simple télé… Du coup, ça fait carrément rêver !…

    Il y a des voyages qui doivent tellement valoir le coup. Et d'autres pas. Cet été, j'ai lu Pyong Yang de Guy Delisle, et du même auteur, j'ai commencé Chroniques birmanes. Et, au cinéma, j'ai vu Benda Bilili. Que ce soit en positif ou négatif, ces documents font voyager.

    Mais ils ne remplacent pas vraiment pour autant de vrais voyages. Pourtant, certains voyages sont sûrement moins intéressants que certanes lectures de bons carnets de voyages…

    Ce que ces documents m'ont montré, c'est la diversité du monde, mais aussi mon statut de privilégié.

    Ce qui me perturbe avec l'idée de rester sédentaire, c'est l'idée de ne pas bouger. La Terre est grande, mais je ne bouge pas.

    Ce n'est pas une situation qui m'embarrasse totalement. Par exemple, quand je vois la maison de mon père, ça me paraitrait plutôt aberrant d'en déménager. C'est une maison géniale, qui a mis du temps à être bâtie, avec un terrain qui a aussi mis du temps à être bâti. Maintenant, cette maison n'est pas n'importe quelle maison, c'est la maison de mon père. Et rester sédentaire dans cette maison, à la campagne, ça me paraît très raisonnable.

    Il y a d'autres exemples. Une cousine à moi, que je connais très peu (je ne connais bien aucune de mes cousines), n'a jamais eu de véritable maison dans sa jeunesse, puisque ses parents possédaient un terrain, mais vivaient dessus avec des campings-cars.

    Alors, aujourd'hui, avec son mari, elle bâtit une maison. C'est sa maison, c'est une belle maison. Avec une fabrique de jus de pomme dedans. Et avec la nature alentour : c'est en rase campagne, et c'est complètement désert. Les paysages là-bas sont magnifiques.

    Donc, ça me parait très raisonnable, d'être sédentaire, dans un cas comme ça.

    De ces exemples se dégagent l'idée d'avoir construit son propre foyer. D'avoir construit son propre environnement direct, et de l'avoir choisi. La Terre est grande, mais j'ai choisi cet endroit-là. Là, ça me paraît bien, puisqu'il s'agit certainement du meilleur endroit du monde, sinon on n'aurait pas choisi d'y vivre.

    Donc, on ne peut pas dire que la vie sédentaire me gêne tellement. Sauf que, la vie sédentaire à la campagne, je trouve que ça dégage quelque-chose de cool. Avoir un pavillon en banlieue parisienne, ça me parait vachement plus ordinaire. Un pavillon en région parisienne, je ne pense pas que ça puisse être le meilleur endroit du monde.

    Mais, il faut bien vivre quelque-part.

    Je m'écarte du thème du voyage. J'aime l'idée de se contruire un "chez soi", lorsqu'on fait ça bien comme il faut, c'est carrément formidable. Mais j'aime bien aussi l'idée de sortir de chez soi.

    L'idée, c'est ça : je suis mortel. Et il faut que je fasse avec. Et ça, c'est le raisonnement qui me pose plus ou moins problème et qui me posera toujours problème, et qui sera toujours plus ou moins le moteur de mes réflexions intérieures… Qu'est-ce que ça fait, que je sois mortel, qu'est-ce que ça amène et comment faire avec ce que ça amène ? Toutes les réflexions qui me traversent le crâne sont reliées à ces questions-là.

    Une des choses que ça amène, c'est que le temps que je passe sur Terre est limité. Or, je trouve ça complètement crétin de… ben, de ne pas chercher à voyager plus que ça. Ce n'est pas tous les jours qu'on a toute une planète à découvrir.

    Accumuler les expériences, ça m'intéresse beaucoup. Pour l'instant, je ne le fais pas trop.

    Il y a quelque-chose qui me fait peur : si, plus tard dans ma vie, je veux raconter des histoires… alors, il faut que j'ai beaucoup, beaucoup de matière. De matériau, disons.

    Or, je n'ai pas tellement de matériau. Il y a tellement de choses dont je serai incapable de parler… Mes connaissances sont minimes. Qu'est-ce que je peux porter en moi d'intéressant, si je ne me nourris pas ? Le voyage est une nourriture. Si je ne parle que de ce que je connais, ça restreint le terrain. Cependant, on étudiera davantage ces question lorsque je ferai l'effort de raconter les histoires que j'ai déjà envie de raconter pour l'instant…

    En tant que sédentaires, on a quand même une chance : c'est que les livres, les films, les documentaires à la télé, la musique, ce sont des choses qui font effectivement voyager. 

    Ce qui est quand même très bien avec les films et les romans, c'est de pouvoir pénétrer les vies de personnages que l'on ne connait pas, c'est de rentrer dans l'univers d'un individu qui nous est extérieur… Ça, c'est une sorte de voyage.

    Le voyage, c'est lorsqu'on sort de ce que l'on connait. Et qu'on y met les pieds !…

    C'est fou, le temps qu'on peut parfois passer dans des histoires… Le nombre de films, de séries télés, que je peux regarder… Les livres que je peux lire. A chaque fois, je voyage un peu… Je sors de ma propre histoire. Quand je lis Donald et Picsou, je voyage dans Carl Barks… Je voyage dans Don Rosa. Et c'est cool ! Je vis, et je visite la vie des autres, réelles ou imaginaires.

    Un voyage, c'est également aller d'un point à un autre. A ce titre, on peut parler de voyage intérieur… Mettons deux individus passant leurs vies ensemble. Ils partagent leur quotidien. Il vivent au même endroit… visitent les même endroits. Mais leur voyage intérieur n'est pas le même. Ils vivent leur vie l'un à côté de l'autre, avec une distance minimale, mais leur esprit se nourrissent différemment, pensent différemment et vont différemment. 

    Ça m'intéresse, de penser qu'entre deux personnes qui vivent à peu près les mêmes choses, leur chemin intérieur peut pourtant s'avérer tout à fait différent, en tout cas, clairement distinct.

    On peut donc dire une chose : le sédentaire voyage. Du moins, il peut voyager.

    Pourtant, cela ne peut pas remplacer le vrai voyage. Voir des aurores boréales à la télé, c'est pas pareil qu'en vrai. Voir les forêts et les lacs d'Alaska à la télé ou au cinéma, c'est pas pareil qu'en vrai… On peut aussi dire que voir la misère ou le totalitarisme, en bande dessinée ou à la télé, c'est pas pareil qu'en vrai… 

    C'est évidemment moins attirant, mais ça peut être intéressant de s'y confronter.

    Je me sens terriblement ignorant, et par rapport à ce "problème" de la mortalité, le fait est là : ça me ferait chier de mourir ignorant.

    Il y a un proverbe africain qui dit : "un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle". Je suis sûr qu'il y a plein de vieux qui font d'excellentes bibliothèques. Mais je suis sûr aussi qu'il y a plein de vieux qui ne sont pas des bibliothèques du tout. Moi, j'aimerai bien faire la bibliothèque quand je serai vieux…

    Il y a plein de gens dont j'entends parler, et où je me dis : "merde, leur vie a trop la classe". Je veux dire : ils sont mortels, mais ce n'est pas grave, parce qu'ils profitent vraiment de la vie qu'ils ont la chance de posséder. Je ne parle pas que des voyageurs terrestres. Je parle aussi de voyageurs de l'érudition… ou d'autres voyageurs encore.

    Je peux me questionner sur ce qui m'entoure, sur ce que je sais, sur ce que je ressens, je peux réfléchir à ce propos, mais par contre, je ne suis pas érudit, et il délicat de se pencher sur ce que l'on ne connait pas.

    Le voyage terrestre permet une certaine forme de connaissance. 

    J'aimerai bien, un peu plus tard, voyager davantage. Et, plus tard, ça me ferait également plaisir d'avoir un "chez-moi" où il me paraitrait raisonnable d'y être sédentaire… J'aimerai bien trouver mon meilleur endroit du monde.

    Je crois que j'ai fini pour aujourd'hui.


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