• Trace gratuite. À propos de la relation triangulaire entre écriture, traitement d'un sujet, et intérêt.

    À ce qui parait, c'est l'intention qui compte, alors voici une note de blog { edit : au début de l'article, je comptais ne plus rien écrire après la parenthèse qui suit, c'est pourquoi je soulignais que c'était quand même une note} (à vrai dire, j'ai vraiment, vraiment envie d'écrire, mais aucun sujet ne vient à moi. J'ai pas envie de raconter ma vie ou de philosopher en plus, je voudrais faire un truc poétique. Je pourrais écrire un truc qui serait la métaphore de celui qui n'a pas de sujet alors qu'il veut écrire, mais même pour ça je manque d'inspiration).

     

    Il y a partout des sujets. Des sujets d'actualité, des sujets philosophiques, politiques, métaphysiques, futiles. Ils flottent tout autour de nous. Et pourtant, parfois, on est juste incapable d'en attraper, serait-ce le moindre. On ne peut pas parler d'un sujet comme ça : il faut avoir ENVIE de traiter d'un sujet, ce sujet-là et pas un autre, ou alors si, un ou deux autres avec. Seulement, parfois, on a pas envie de traiter d'un sujet, juste envie d'écrire. Il y a envie d'écrire, et envie d'écrire : il y a envie de traiter de ça, et il y a l'envie de laisser une trace de belle facture. Cette trace de belle facture DEMANDE un sujet, mais ce sujet, alors, est juste ce qui permet la trace, et passe donc au second plan; quand d'habitude, c'est la trace qui est de second plan, laissant la part belle au sujet. Vous me suivez ?

     Il y a le fond, il y a la forme. On fait toujours les deux, mais parfois on fait l'un pour pouvoir faire l'autre. On fait souvent la forme pour faire le fond, mais parfois, on prend un fond pour pouvoir faire la forme. On ne peut, hélàs, faire l'un sans l'autre. Quoique. Ça doit pouvoir se discuter.

     Moi, voilà, j'ai envie d'écrire un truc poétique, mais rien ne me vient. Je veux faire de la forme, mais ne détient pas de fond qui me permettra d'accéder à cette forme.

     Écrire, c'est tout d'abord écrire à partir d'un sujet, et lorsqu'on en a pas, ça fout vraiment tout en l'air.

     En plus, l'écriture sans sujet, comme celle que je suis en train de produire, a rarement de saveur. Enfin, si, j'ai un sujet puisque je me retrouve à parler de l'interdépendance entre sujet et processus d'écriture, mais je ne sais pas si c'est très intéressant. Je devrais donc arrêter, avec ma soupe au lait incolore.

     Écrire pour écrire, c'est bien, mais la qualité du sujet joue vachement sur la qualité de la trace de belle facture de tout à l'heure. Ce serait cool si je parlais d'un truc supercool.

     Mais j'ai la flemme de m'éloigner. De vous inventer, par exemple, un poète devant vous, qui appelle toutes les muses qu'il a dans son répertoire téléphonique, mais n'arrivant à en joindre aucune. Alors, du coup, il essaie d'écrire quand même, et se retrouve comme un débile perdu dans le désert à parler du lien entre sujet, fond, et processus d'écriture.

    Le poète cherche à faire son poète, et d'ailleurs, mon poète à moi se fiche complètement de sur quoi il écrit.

     Même Quenaud (comme ça s'écrit déjà ? Vous savez, Raymond ?), quand il veut s'éclater à écrire n'importe quoi, à jouer sur la forme, doit utiliser un sujet : il se retrouve avec une querelle de bus. Vous me direz, il y a l'Oulipo, qui est si absurde qu'elle doit bien se passer de sujet.

     Eh bien, voilà : l'écriture sans sujet, ça existe, c'est l'écriture absurde.

     Donc, on peut écrire sans sujet.

     Donc, nous en déduisons que j'avais tort : écriture et sujet ne sont pas intrinsèques.

     Seulement, un peu quand même, par rapport à une notion en particulier : l'intérêt.

    En effet, un texte sans sujet me paraît peu intéressant. Voilà la donne, c'est comme la matière et l'esprit : un esprit vit dans une matière; une matière, sans esprit, n'est qu'un vulgaire objet.

    De la même manière, un sujet, pour vivre, doit se trouver traité, et un texte, pour avoir un tant soit peu de consistance, doit traiter d'un sujet. Et ce qui fait qu'un texte est intéressant ou non, ce n'est pas le concept en soi de texte, c'est ce que ce texte nous dit. C'est le traitement d'un sujet. Donc, l'intérêt, lui, est intrinsèque au traitement d'un sujet : il en découle. Le traitement d'un sujet est l'essence de l'intérêt. Et une absence de sujet, une absence de son traitement, c'est une absence d'intérêt.

    Un texte sans intérêt, c'est un texte qui ne discute rien du tout, qui ne raconte rien du tout, qui ne parle de rien du tout, c'est un texte qui, justement, se contente de parler, de parler pour ne rien dire. 

    J'écrivais tout-à-l'heure : "la qualité du sujet joue vachement sur la qualité de la trace de belle facture". Eh bien, voilà : la qualité du traitement du sujet, c'est le degré d'intérêt, et le degré d'intérêt, c'est d'abord celui du texte. 

    Mince. Moi qui voulait écrire un truc poétique, je me retrouve à faire de la philosophie de bas étage. N'empêche, ça faisait une éternité que j'avais pas fait de vraies notes philosophique sur ce blog...

    Mais je trouve que le sujet de cette note-ci n'est pas très intéressant. Enfin, c'est subjectif, parce que nous avons déduit qu'à partir du moment où nous traitons d'un sujet, nous sommes potentiellement intéressants : bah oui, parce que ça dépend quand même de l'interlocuteur. Voilà, voilà le truc, en fait : le traitement de tel sujet n'est pas forcément intéressant, mais il peut l'être, quand le traitement de rien du tout, un sujet non pas traité mais évoqué, mentionné, ne peut pas être digne d'intérêt. Peut être intelligent ce qui dit quelquechose, et bien ce qui dit quelquechose, non pas ce qui dit tout court.

    On peut cela dit encore déclarer que la forme, à elle seule, peut présenter de l'intérêt. Justement chez Quenaud, dont le sujet de sa variation est bien trop dérisoire pour valoir de l'intérêt. Mais, justement, un travail de forme, c'est d'abord un travail de traitement, de traitement d'au moins un sujet : le texte. Ce qui est important, c'est pas le sujet, c'est le traitement qu'on en fait. Le sujet, c'est la chose, le traitement, c'est la manière qu'on adopte pour voir, pour comprendre, pour toucher cette chose.  

    Hum. Voilà. Je crois que là, j'ai atteint le bout du fil. En tout cas, j'arrive pas à dérouler davantage. Il me semble avoir fait le tour de la question.

    (et moi qui espérais écrire un truc un peu poétique... J'ai failli y aller, avec mon poète et ses muses à joindre au téléphone, mais, bon, la philo m'avait déjà embarqué, c'était trop tard...) 


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