• De la valeur d'écrire, de la digestion intellectuelle, et de la brume horriblement épaisse

    Il faut impérativement que je lise un jour du Beckett. Parce qu'en attendant, je ne peux pas parler de lui. Je ne sais pas de quoi je parle. Cependant, il me semble qu'il disait qu'écrire, c'était déjà rater, mais qu'il fallait essayer de rater le moins pire possible. Samedi, j'aurais dû m'attarder à son expo à Beaubourg, mais celle d'Air de Paris m'a pris de trop de temps, après, j'étais pressé.
     Je ne sais pas pourquoi il disait ça, mais parfois j'ai l'impression de comprendre. Quand j'écris, j'ai toujours un objectif. J'écris rarement pour ne rien dire. Je ne dis pas que cela ne m'arrive pas. Ça m'arrive. Mais c'est rare. En écrivant, j'ai l'impression que je vais pouvoir résoudre tous mes problèmes. Les dire, les nommer, les expliquer, tourner autour d'eux, me mettre en face-à-face avec, me semble me permettre de les résoudre. Mais... Lorsqu'on les a écrit, on est calme un moment, puis on se rend compte que rien n'a disparu. Tout est toujours là. Il y a des choses en nous, on veut les faire sortir de nous par l'écriture, et parfois, on a la sensation que ce n'est pas vraiment sorti. Peut-être qu'il y a une confusion entre décupler et faire sortir. Décupler ailleurs. On le faire sortir, effectivement, mais ce n'est pas sorti, maintenant il y en a un là et un ici.

    Parfois, j'ai quand même l'impression que ce n'est pas que ça s'est décuplé ou quoi. J'ai juste l'impression que je ne suis pas parvenu à le faire sortir. Comment dire ça? Voilà. C'est ça, le truc. On écrit pour exprimer quelquechose qui n'existe pas en mots. Écrire ce truc qui est tout sauf un ensemble de phrases, ou même de mots, c'est comme encoder quelquechose. Transformer le rbs.txt en mp3. Transformer du japonais en langage euh... c'est quoi déjà le mot? Bon, je j'ai perdu, alors on va dire en braille.

    Le langage est complètement un code. Une émotion va être un mot, formé par des lettres. Amour, c'est un a, un m, etc. Où est l'amour dans ces cinq lettres?

    Évidemment, ce code, ça prend du sens au fur et à mesure, puisque... En fait, c'est comme la retransmission  par satellite. Le message est envoyé en ondes à un satellite, qui va le renvoyer ailleurs, et le récepteur le retraduit comme il faut. Le langage, c'est pareil. Le sentiment amoureux, on l'écrit, ce n'est plus que deux mots vides, mais le lecteur va identifier ces deux mots, qui prendront sens. Et encore. Comment réellement savoir le sentiment amoureux si on ne l'a pas vécu?

    C'est difficile, de parler de quelquechose à quelqu'un qui ne l'a pas vécu. On peut le comprendre, on voit ce que c'est, ce qu'on doit ressentir, mais on ne percute pas vraiment.

    Alors, évidemment, si on écrit pour soi-même, on s'en fout, que les autres percutent ou pas, mais parfois on a le sentiment que le code, même retraduit, n'a pas tout son sens. Parfois, cela semble vide.

    Souvent, j'écris et suis satisfait, et puis parfois, avoir écrit ce qu'il y a sur mon coeur, et relire cela... Et en même temps, je ne sais pas. C'est très compliqué.

    je vais prendre des exemples.

    les trucs d'amour que j'écrivais il y a quelques années, aujourd'hui, je les percute tout à fait, et je vois très bien qu'est-ce que je pouvais ressentir, mais cela dit, pour certaines choses, finalement cela ne soulage rien.

    Parfois, je vais écrire pour digérer quelquechose qui a du mal à passer en moi. je vais l'écrire, mais tout de même, il me reste des trucs entre les dents.

    Voilà. C'est ça que je veux dire. Ce truc de la digestion que je viens de dire.

    Et en même temps, cette note, c'est une vraie mise en abyme. Si ce que je dis est exact, même si vous me comprenez, il faudra que vous ayez vécu ce que j'écris pour percuter. Et, si j'arrive à réellement expliquer mon ressenti, quelquepart j'ai tout faux.

    Il faudrait que je me relise, mais je me relirai à la fin. J'ai déjà dû le dire, mais c'est aussi confus pour moi-même. La chose que j'essaie de vous dire, c'est que j'ai beau avoir tout à fait exprimé mon ressenti, parfaitement, exactement, il me semble, parfois, avoir échoué, que ces mots, ce n'est pas ce truc en moi.

    Et en même temps, encore une fois, c'est très confus.

    Je vais faire une comparaison très crade.

    Je vais peut-être encore me corriger après, parce que je suis pas sûr de ce que je dis, d'ailleurs sur tout l'ensemble de cette note, je ne suis même pas certain de ce que je pense, ça reste brumeux en moi-même et c'est sans doute pourquoi j'écris tellement en ce moment-même. D'ailleurs, voilà, c'est tout à fait ça en général : Je vais écrire justement parce qu'en moi c'est la brume, je vais écrire pour matérialiser cette brume,  la localiser, l'identifier. Parfois, j'ai le sentiment de l'avoir effectivement identifié. Mais, parfois, j'ai l'impression que c'est un simulâcre d'"identité", tellement cette brume n'est pas cernable.

    Évidemment, dans tout ce que je vous dis, je me fiche un peu de Beckett, je ne sais pas du tout pourquoi lui avait tout le temps la sensation d'échouer, peut-être suis-je à côté de la plaque, mais je parle surtout pour moi.

    Ce que j'allais dire tout à l'heure, la comparaison très crade, c'est qu'il y a peut-être deux moyens de parler de l'écriture :

    Tout d'abord, pour moi, il n'y a pas d'inspiration, il n'y a que de la réaction. De tout ce que j'écris, rien ne m'est sorti de rien, tout est parti de quelquechose, d'une réaction par rapport à ce quelquechose. Et j'avais envie d'approfondire cette comparaison que j'ai faite tout à l'heure entre écriture et digestion.

    Tout d'abord, on mange. Pour l'écriture, ça peut être n'importe quoi, absolument n'importe quoi. Puis il faut digérer cette nourriture: c'est l'écriture. C'est là qu'il y a deux moyens de comparer : Mais à mon avis, ce ne sont que deux parts de l'ensemble, ça ne s'oppose pas. Histoire de l'éléphant. Lorsque l'on digère, qu'on écrit, la nourriture, soit l'éxpérience vécue, lue, vue etc, va se diviser en deux parties : les nutriments,  et les excréments. C'est là que c'est un peu crade. Pour les nutriments : Il y a l'expérience vécue, et le besoin d'en faire quelquechose, le besoin de créer, de construire. Là, l'écriture, l'aliment, devient de l'énergie qui va aller circuler dans tout le corps. L'écriture va apporter quelquechose de constructif, une réflexion, ça va... eh bien, ça fait mise en abyme, mais ça va nourrir quelquechose.

    Cela dit, en l'ocurrence, peut-être l'aspect de tentative ratée dans l'écriture, est très simplement le côté dérisoire de la chose. Voilà, j'ai écrit à ce propos, et maintenant? À quoi ça a servi? À qui? À quoi bon?

    L'autre aspect final de la comparaison, c'est les excréments. Dans une expérience vécue, la nourriture, il y a les nutriments, et puis il y a le reste. Alors, j'y pensais plus, mais évidemment, les excréments ça peut être la part "facultative" de cette nourriture. Ou bien ce qui n'est pas bon. Bref, c'est ce qui doit sortir.

    Et c'est là que parfois, cela peut différer dans l'écriture : Il y a certaines choses qui ne peuvent pas sortir. On réécrit, on redigère, mais ça ne sort pas et le ventre reste trop lourd. Parfois, on va écrire pour ne plus à avoir à parler de quelquechose qui nous obsède, mais ça continue de nous obséder alors on réécrit dessus, et alors, on peut peut-être sentir l'inutilité d'avoir écrit cette obsession.

    Après, ptêt que je dis vraiment trop de la merde. Je suis même pas sûr de me comprendre moi-même.

    Pour prendre un exemple concrèt, ma note sur le clown, je l'ai maquillé parce que ce blog n'est pas un journal intime, mais j'ai parlé d'un problème à travers ce truc, pourtant le problème ne s'est pas forcément effacé.

    Mais je pense que ce ne doit pas être ça dont veut parler Samuel Beckett. Je m'en fous, je l'ai écris pour moi.

     Encore une fois, c'est déjà brumeux en moi, alors si ce texte est incompréhensible, et justement brumeux, ne vous en faites pas, j'ai juste transformé ma brume en de la brume.

    Je m'arrête-là, chaque phrase que je rajoute pour éclairicir et rendre cohérentes mes idées, n'étant que mouvements de trop dans le sable mouvant.


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  • Commentaires

    1
    black scarf
    Lundi 21 Mai 2007 à 23:05
    .
    lol, oui je "percute" un petit peu...à mon sens évidemment. ça m'a fait penser à quoi, au truc con du manga full metal alchemist. chuis pas du tout fan de manga, mais j'aimais bien le "principe" de l'équivalence. le fait qu'on a rien sans rien. Que ce que tu écris ne vienne pas tout droit formaté du néant. le fait de créer quelque chose d'autre en détruisant autre chose. ça m'a fait pensé aussi à ce que me disait la prof de français au lycée... "on pense avec des mots...et ce sera toujours le cas" auquel j'avais rebiffé intérieurement parce que pour moi c'est faux. c'est interessant cette note. "Quand j'écris, j'ai toujours un objectif. J'écris rarement pour ne rien dire." ouh, c'est compliqué ça. c'est subjectif. c'est presque une opposition même. ça dépend du point de vue. puis en dernier, à un truc de philo dont je me souviens pas de la formulation exacte (c'est agaçant d'ailleurs, d'avoir "sur le bout de la langue" l'idée, mais de pas savoir la formuler) sur le fait d'associer signifiant-signifié, à caractère ou à son blablabla... ça correspond bien la métaphore de la digestion, enfin, là. c'est vrai qu'on a l'impression de placer hors de soi ses pensées quand on écrit. peut-être les prendre avec un peu plus de recul. sinon yavait des vers que j'adore dans cyrano de bergerac(ma pièce en vers préférée)__________"he bien! écrivons-la/cette lettre d'amour qu'en moi-même j'ai faite/ Et refaite cent fois, de sorte qu'elle est prête/ Et que mettant mon âme à côté du papier/Je n'ai tout simplement qu'à la recopier." bon tu me diras où est le rapport bref là aussi c'est subjectif, jen vois un. Mais le contexte où j'ai placé ces vers ne les valorisent pas vraiment. Dans le contexte de l'oeuvre, ils sont géniaux, ces vers... oula. bon. je sais pas si ça nourrit quelque chose, mais en contrepartie, comme l'équivalence, ça vide. enfin, je parle pour moi. résultat je sais plus vraiment écrire nulle part. d'une parce que j'aime pas trop ce qsue j'écris, de deux parce que ça revient au même point au final, de trois parce que j'arrive plus trop à poser des mots sur mes pensées. et peut-être est-ce mieux ainsi, ça protège mes idées, et ça les laisse à leur état spontané sans formulation concrète. ou non. lol, tout est relatif, hein... même le crayon j'arrive plus trop à en faire.hm c con mais j'avais pensé à ton annif. je me disais quand allais-tu changer la présentation.puis on dirait que tu fais souvent les musées lol. regarde, j'ai un pass pour voir pas mal de trucs gratuits et je sors jamais. faudra bien que je m'y mette, histoire d'avoir des souvenirs en plus, voire des trucs à raconter et/ou écrire.alala, je rate trop plein de truc, et comme toujours, je m'étends mais à force, t'as l'habitude :)
    2
    black scarf
    Lundi 21 Mai 2007 à 23:08
    .
    (c'est toujours à la fin que je me rends compte de la place que ça prend. d'un côté c'est mieux parce que si je me rendais compte de ça pendant que j'écris, je tronquerais beaucoup plus mes coms)
    3
    Mardi 22 Mai 2007 à 22:11
    juste une réponse
    tout d'abord, je veux dire que tes commentaires à rallonge, je les adore, c'est très satisfaisant pour moi quand je fais une note et que cela évoque tant de choses au lecteur. Alors ensuite, d'accord, j'avoue, cela m'arrive d'avoir seulement envie d'écrire, mais de n'avoir rien à dire sur le départ. Peut-être d'ailleurs que c'est aussi des notes de ce style qui ne me satisfont pas, ce qui serait normal : Comment être satisfait d'une note quand on s'est appliqués sur le clavier sans rien avoir en tête? Et en même temps parfois des choses sortent finalement et ça devient bien. Parfois, j'ai rien à faire, je pense à rien de spécial, je réagis à rien du tout, et pourtant je vais faire une note sur mon blog. Mais, n'empêche que ces notes sont rares, et je les avorte souvent. Sinon pour Cyrano c'est bon, je vois le rapport. C'est assez clair. et sinon les musées, bah nan, franchement j'y vais pas si souvent, je dois y aller une fois par semestre, quelquechose dans le genre, mais il faut à tout prix que j'augmente considérablement cette cadence. Si je veux aller dans une école d'art, j'ai intérêt à aller voir plein d'expos. Le truc, c'est que ya vraiment dix mille expos que j'ai envie de voir, mais j'en oublie certaines, j'ai la flemme pour d'autre, ou simplement je remets à plus tard, et puis même si l'expo dure six mois bah voilà en fait c'est fini. Ça m'est arrivé comme ça pour l'expo sur Pierre Bonard, ça me fait chier de pas y être allé ça avait l'air vraiment bien, et ça a failli être pareil pour l'expo John Lennon à la cité de la musique l'année dernière, mais une amie l'a vue alors le tout dernier jour de l'expo, j'y suis allé, et j'en suis très content. Bref, je m'étale, tout ça pour dire que non, même si je me préoccupe un peu des expos qu'il y a, je vais très peu les voir.
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