• The Florian's big adventure

    Je suis en anglais, la sonnerie retentit. Il est trois heures. Je sais qu'il est temps. Charlotte me souhaite bonne chance.

    Je défile dans le couloir. Je salue des personnes, qui ne savent absolument pas ce qui va m'arriver. Par contre, je croise Carla, qui me souhaite aussi bonne chance.

    Je descends les escaliers, je vais d'abord aux toilettes avant de partir. Des personnes bloquent le passage. Je leur indique mon souhait d'aller aux toilettes : ils font semblant qu'ils vont m'en empêcher, puis me laissent passer.

    Ensuite, je me rends à l'administration : sur le chemin, je croise des camarades à qui je dis à demain. Elles sont interloquées : je leur indique où je vais, et alors elles m'expliquent qu'elles avaient cru un instant que nous n'avions pas philo, puis elles me souhaitent bonne chance. À l'administration, je me rends à la loge, pour prendre mon carton à dessin. Je marche en dehors du lycée, puis réalise que la gare d'Ablon, d'ici, est plus proche.

    Mon sac est incroyablement lourd. Le vendredi, c'est mon jour le plus lourd. Et je vais devoir me le coltiner jusqu'à Fontenay-sous-bois... Tout comme ce gros carton à dessin.

    Dans le train, je lis American Gods.

    Bibliothèque François Mitterrand : je sors, prends la ligne 14; jusqu'à Gare de Lyon. Là-bas, je me dirige vers le RER A. Il est bientôt quatre heures, et lorsque j'arrive sur le quai, je rate un train qui vient juste de partir : apparemment, il desservait la gare où je me rends. Je vais devoir attendre. Je me poste dans un coin, posant mon carton et mon sac par terre, et reprends American Gods. Et puis je lis sur un moniteur de la gare que mon train est retardé. Cela se propage bientôt aux suivants, minute après minute. Une voix grésillante, parlant au nom de la ratp, annonce qu'un malaise cardiaque est survenu à Chatelet, que le samu arrive, que les trains sont retardés. J'attends. J'attends. Mon téléphone portable sonne : une voix, qui s'annonce en provenance de Fontenay-sous-bois, m'indique que le candidat me précédant est en retard, ce qui fait qu'ils me font passer dès que j'arrive : malheureusement, je suis encore à Gare de Lyon à cause de ces fichus retards. Un train finit par arriver, qui se contente de stationner, sans bouger : on ne sait même pas où il va. Je rentre à l'intérieur, mais il ne part pas. Comme la voix de la sncf nous recommande de changer de chemin par la ligne 1 pour aller à Nation, c'est ce que je fais : à Nation, il y a un train qui stationne : on nous dit qu'il va dans la direction que je veux, et je rentre à l'intérieur. Je rappelle le lycée Pablo Picasso pour expliquer que je serai en retard, puis le train part. Mon sac est toujours aussi lourd, mon carton est toujours aussi encombrant; et comme il y a un paquet de monde, je me vois mal aller m'asseoir avec mon gros carton.

    Il est bien quatre heures trentes cinq quand j'arrive, alors que j'avais rendez-vous à seize heures trente. Je me rends au lycée. Là-bas, une hôtesse d'accueil m'indique le chemin à prendre pour me rendre à l'entretien. Je fais comme elle dit : je monte l'escalier, je prends à droite, je trouve le secrétariat élèves, et à côté, je vois cette pièce avec différents élèves, un peu plus loin, la pièce où va se dérouler l'entretien : je rentre, avec angoisse et soulagement. Je pose mon sac, je pose mon carton, j'explique qu'il y avait eu un malaise cardiaque à Chatêlet, que j'étais moi-même à Gare de lyon lorsqu'il était quatre heures. Parmi le "jury", je reconnais deux élèves de la classe, le prof d'arts plastiques, mais ne retrouve pas le visage de la femme à côté du prof : sûrement, elle-même, une prof de quelque-chose.

    Rapidement, après m'avoir notamment fait confirmé que j'étais l'élève de madame Dufour, on me demande comment j'ai entendu parler, pour la première fois, de cette classe à Fontenay-sous-bois. Je dis que je ne m'en rappelle plus, que ç'avait sûrement été par madame Dufour, mais que j'étais déjà allé à leurs portes ouvertes durant mon année de première et que j'avais depuis gardé l'idée fixe que je voulais absolument aller là-bas deux ans plus tard.

    On me demande quel est mon projet professionnel. J'exprime timidement, après avoir un peu bafouillé, que je voudrais devenir auteur de bande dessinée. Le prof d'arts a un sourire que je sens ironique, mais déclare que c'est bien d'avoir des rêves. Moi, je me nuance en disant que je suis conscient de la difficulté de percer là-dedans, et que je compte me trouver un plan B professionnel au cours de mes études : en attendant de percer.

    On me demande de choisir UN travail dans mon carton, un travail qui me tient à coeur et dont je voudrais parler. Je regarde à l'intérieur de mon carton. Je vois mes différents travaux aboutis, mon masque de transformation bof, celui qui est bien mais que j'ai seulement commencé, mes planches de bandes dessinées, et puis ma guirlande. J'hésite, notamment avec les planche de bédés. En me rappelant peut-être tous ceux qui m'ont félicité pour ce travail-là, je choisis ma guirlande de marionnettes. Plus tard, je me dirai que j'aurai peut-être dû présenter une de mes planches de bédé. Je prends mon travail par chaque bout du lacet, et constate, à voix haute d'ailleurs, que la tête de mon Florian-tecktonic se sépare du corps. On me demande comment on est censé le voir, et mes bras en l'air, je tire chaque bout du lacet, dans un sens permettant une vue claire de chaque personnage, troués dans les cheveux pour laisser le lacet relier chaque marionnette : ils portent chacun mon visage photographié et cartonné, mais portent tous un look différent. L'un est rapper, l'autre skater, le suivant gothique... Je leur explique ma fascination pour le vêtement comme objet d'identité, comme uniformisation de l'individu, qui grâce à son look, s'intègre dans une bande en gommant ce qu'il a de singulier en lui (en fait, j'ai dit ça autrement, et je trouve que comme je vous le dit là, c'est mieux), et je leur explique le ton d'humour que j'y ai mis, par exemple lorsque mon visage barbu et stoïque s'associe au look de "pouffe" (en fait, je n'ai pas non plus présenté cet exemple). Puis on discute. La femme à côté du prof, sérieuse, me demande si mon travail est de l'ordre du constat sociologique, quelque-chose comme ça. Je dis que c'est effectivement le fruit d'un constat fascinant (encore une fois, je ne l'ai pas formulé comme ça) Ils me demandent les autres fonctions du vêtement, à part comme outil d'identité, et j'y vais, j'en cite pas mal. Ils me poussent vers pas mal de directions, je réponds, je réponds. Puis le prof d'art me demande quelque-chose de bizarre que je n'ai pas assimilé, il reformule, je comprends : si je devais refaire mon travail, comment opérerai-je pour l'approfondir, le rendre moins superficiel (car il n'y a pas à proprement parler de réflexion : c'est ni plus ni moins qu'un constat, un pointage du doigt (il ne l'a pas dit, mais c'est moi qui le dis : un enfonçage de porte...))

    Je suis absolument incapable de répondre à sa question. Je répète en marmonnant, pou moi-même, sa question, et sans le penser, je constate que je nage un peu dans la merde. Il finit par dire quelque-chose : après un échange d'idées, après, en fait, qu'il m'ait quelque peu guidé, je finis par formuler que j'aurais relié ma guirlande de bonhommes à un contexte, à un cadre, car nous avons déduit qu'on s'habillait toujours d'une certaine manière par rapport à un certain contexte, alors que mes bonhommes flottaient dans rien, accrochés ensemble par un lacet.

    Régulièrement, tout le long de l'entretien, je m'éponge le front avec la main et me constate en sueur.

    Ils ouvrent un classeur, et me désignent une oeuvre d'art de Spoerri : ils me demandent si je le connais. D'abord, je crois que non, puis si, je m'en rappelle : c'est celui qui accroche les trucs au tableau, tout ça, bref, je ne sais plus comment je l'ai formulé, mais le prof d'art hoche la tête, peut-être avec un peu d'indifférence, et me dit que cela s'appelle des "tableaux-pièges". Il me demande à quel mouvement artistique il appartient : je propose le pop-art. On me dit que c'est un nouveau-réaliste, je demande alors, car étonné, et un peu pour me disculper : "Ah, il est français ?..." On me dit que oui, et on me demande de citer d'autres artistes du Nouveau Réalisme : je cite César, Arman, après une seconde, je pense aussi à Yves Klein, et puis... et puis plus rien. Je constate avec effarement que, si l'on me demande de citer des nouveaux-réalistes, je ne suis capable que d'en donner trois. Le prof d'art, voyant que je n'ai plus de noms, m'en cite un paquet, don Nikki de Saint-Phalle, (que je connais mais dont je ne me souvenais plus comme membre du Nouveau Réalisme) puis dit qu'il y en a un paquet, d'artistes nouveaux-réalistes.

    Il me demande deux choses : de présenter le travail de l'artiste ici, et d'expliquer l'intention artistique.

    L'analyse d'oeuvre est très fastidieuse, je ne me débrouille pas avec excellence, et encore une fois, le prof m'aide, par des échanges de paroles, à avancer.

    Après cela, la femme à côté du prof me demande si je lis : est-ce qu'on me demande si je lis, ou si je lis beaucoup ? Je ne sais plus, peut-être beaucoup, toujours est-il que je déclare avoir toujours envie de lire un tas de bouquins, sans en avoir réellemenet le temps faute de réorganisation de mon planning. Plus tard, je me dirai que j'aurais dû nuancer mon propos, qu'elle avait peut-être compris que je ne lisais quasiment pas, alors que je me retrouve simplement à lire très lentement les livres que j'entreprends, excepté l'été où je les enchaîne davantage.

    Elle me demande si je visite des expos : j'explique que cela fait un morceau de temps que je ne suis pas allé dans des musées, mais qu'après avoir lu un article sur elle dans Beaux-arts magazine, l'expo sur Louise Bourgeois m'attire, ainsi que l'expo sur Vlaminck, et celle sur Daumier, à la Bnf. Elle dit sur un air de constat que c'est donc de l'ordre de l'hypothétique, comme les livres. Sans avoir vraiment compris, je confirme, et plus tard, je me dirai qu'encore une fois, j'aurais pas dû : il y avait certainement un malentendu, j'ai dit que c'était hypothétique car tout est hypothétique, mais elle a peut-être compris que je n'étais pas vraiment sûr d'y aller, alors que je pense vraiment aller les voir, ces expos...

    Elle me demande la dernière expo que j'ai vu, je dis Courbet.

    Elle me demande si j'ai d'autres activités, je me bute, elle demande : est-ce que je fais de la musique, est-ce que je danse ?...

    Je dis que je fais du théâtre, que je prends beaucoup de photo, que j'écris, elle me demande ce que j'écris : je dis que j'écris sur mon blog, que je travaille sur le schéma narratif d'une future nouvelle, ou bien d'un futur roman, et que j'ai récemment fini de travailler (est-ce que j'ai dit travailler, ou de retravailler ?) un premier roman. Je crois qu'elle hausse les yeux, et je crois même que cela l'impressionne un petit peu, mais je n'en sais rien.

    Je crois que c'est à ce moment-là que l'on m'invite à sortir : mon dossier artistique, qui a circulé, se retrouve posé à côté de moi, avec la photo de ma grand-mère me sautant aux yeux. Je prends le dossier, le mettant dans mon carton, que je referme après y avoir rangé mes marionnettes. Le prof me demande ce que je compte faire si je ne suis pas accepté, je dis que je ferai une fac d'arts plats, il me demande si je vais à Paris I, je confirme immédiatement alors que je n'en sais rien du tout, car j'en ai mis plusieurs dans mes voeux Ravel et qu'ils m'intéressaient tous moins que Fontenay-sous-bois.

    On me demande si j'ai des questions, je demande quand est-ce que je saurai si je suis pris ou pas : on me dit dans à peu près trois semaines, vu qu'il y a beaucoup de candidats.

    Je sors, une fille qui attend me demande si c'était dur. Je lui présente un peu ce qu'on lui fera faire (ou en tout cas, ce qu'on m'a fait faire), elle me dit que son copain était sorti dégoûté par leur rigidité, leur froideur. Je souhaite à la fille bon courage, et pars.

    J'ai la gorge aride comme si j'avais traversé le désert : je demande, avant de sortir du bâtiment, où sont les toilettes, pour y boire. On me les indique, j'y vais, mais je suis incapable de les trouver. Je pense à Tout sur ma mère à Orly, de Pedro Almodovar, à 18 heures, et me dit que j'ai peut-être encore mes chances d'y aller : j'oublie les chiottes, et rentre à la gare.

    Là-bas, j'ai le malheur de constater un train stationnant, plein : la voix grésillante parle toujours du foutu malaise cardiaque. Je me dis que ça va être difficile, pour mon film. Je pense à l'entretien. Après une minute ou deux, ça finit par démarrer. Mais, une fois à Vincennes, le conducteur nous dit qu'à cause de l'incident, il doit continuer sa route sans voyageurs, mais qu'un autre train va bientôt suivre. Tout le monde râle, moi aussi. Après un petit paquet de minutes, un train arrive effectivement. Mais à Nation, il ne peut pas non plus continuer plus loin : le trafic est tout interrompu. Toujours armé de mon carton à dessin et de mon fardeau qui me sert de sac à dos, je m'en vais prendre la ligne 1, luttant non pas contre vents et marées, mais contre escaliers et escalators, pleins à craquer de gens pressés. À la sortie de la ligne 1, à Gare de Lyon, je m'en vais enfin prendre la ligne quatorze, mais un mur d'individus aussi largués que moi m'arrêtent : il y a foule, et personne ne peut avancer. J'ai toujours ce putain de sac, ce carton à dessin, je me résigne à l'idée que je vais sûrement rater mon film, et en plus, je sens que mon entretien n'a pas été tout ce qu'il y avait de plus extraordinaire. Au bout d'un moment, ça finit par avancer, puis, devant les escaliers et les escalators, la voie est dégagée : je fonce vers la ligne quatorze, prends le fameux train vers Bibliothèque. À Bibliothèque, j'attends mon train : celui qui dessert ma gare arrive à 18 heures 10. Pour mon film, c'est définitivement foutu. Comme je pense à la fois au film que je vais rater, et à mon entretien, je n'ouvre pas American Gods : je n'arriverai pas à me concentrer. Une fois dans le train pour Villeneuve-le-roi, je repense encore à l'entretien, à ce qui a peut-être été des malentendus, à ce que j'aurais pu mieux exprimer. Je sens que mon admission n'est pas gagnée d'avance et que je vais peut-être aller à la fac. On verra bien d'ici trois semaines. Quand j'arrive, enfin soulagé de la foule, des sous-terrains, des escaliers, des escalators, de mon fardeau, de mon carton à dessin, j'ai mal à la fois aux pieds et aux épaules. J'hésite entre une sieste et une douche, mais je pue trop, sans compter qu'après ce genre d'événements, une bonne douche, c'est toujours le plus agréable.


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 20 Avril 2008 à 19:50
    gfrtgg
    j'ai pas tt lu je relirais, j'ai cru comprendre que ca c'est mal passé ? des copines ont passé des oraux près de paris renoir (??? non je sais plus) bref, pour une ca a été les autres moyens je sais pas pourquoi je te dis ca. je suis pressée j'ai un sac a faire pour paris, passe bonnes vacances mon cher Florian et au plaisir
    2
    Jeudi 24 Avril 2008 à 22:51
    hihooou (:
    Je voulais te parler de quelque chose, si la prépa en fait c'est hors de paris, il s'agit d'une des seules prépa publique, trois copines y sont allées (dont une qui a été passé l'oral des arts déco)... bref je sais pas pourquoi je te dis tt ca. bon je te laisse bonsoir et au plaisir 'jespère
    3
    Vendredi 25 Avril 2008 à 12:00
    oui
    les seules prépas publiques : il y en a une à Ivry, mais qui est très connue et donc très difficile d'accès; Fontenay-sous-bois, là où je veux aller, (lycée pablo picasso) et puis un autre lycée dans le 93, à Gagny je crois, le lycée Gustave Eiffel, quelque-chose comme ça. Des copines à toi sont en train d'essayer à Fontenay-sous-bois ?? Ce serait drôle !
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    4
    Dimanche 27 Avril 2008 à 12:48
    ah
    je sais plus qu'elle prépa s'est elles ont eu des entretiens y a 15jrs c'était. Elles tentent toutes, celle qui a eu l'oral des arts déco on lui a dit : pas besoin de passer par la prépa rentré direct... (enfin a peu près, cette fille j'ai le lien de son blog ds mon blogroll, puis l'autre fille c'est nina... nina et le mur jaune tu vois). Bref j'arrete, un fait du soleil je vais me doucher. au plaisir
    5
    Dimanche 27 Avril 2008 à 23:14
    f
    rueil malmaison elle s'appelle !!!!!!! comme quoi c'est super près de renoir non ??? bon sur ce... (:
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