• Je ne sais pas où je vais mais je vais bien

     

    Il est 23:33 et, pour une fois, je me demande si je n'ai pas envie d'écrire.

    C'est ça, qui me manque à Strasbourg : ces veillées nocturnes, la tête pleine, où le sommeil se fait attendre… où le marchand de sable ne passe pas trop tôt.

    J'aime bien qu'il soit tard le soir et que j'aie envie d'écrire.

    C'est les moments où j'aime le plus écrire : tard.

    Je m'appelle Florian, Axel, Galaad.

    Florian. Florian comme : "en floraison", en latin. Axel, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. Je ne me suis jamais renseigné. Aujourd'hui je connais de plus en plus d'Axel. Il y a Axelle ma coloc. Il y a Axel Gouala qui est dans ma classe. Et c'est déjà pas mal. Maintenant quand je relis l'Hydromelade et que je relis "Axel" par ci et "Axel" par là, qui est un personnage décédé, ça me fait drôle.

    Pourquoi ai-je donné mon deuxième prénom à un personnage qui est mort dès le début de l'histoire ? Je ne sais pas. Je crois surtout que j'ai beaucoup de détachement par rapport au prénom d'Axel. Il a peu d'importance pour moi. En fait je ne me suis jamais approprié ce prénom… je ne me le suis pas assimilé.

    Mon troisième prénom, c'est Galaad. Ce n'est pas la même donne. Je ne connais pas par coeur l'histoire de Galaad, je la connais même assez peu, en fait, mais je sais au moins que c'est le chevalier de la table ronde qui trouve le graal, dans une des versions les plus importantes de ce récit.

    Celui qui trouve le Graal… Ce n'est pas rien, non ? Trouver le graal.

    Pour moi, ça a beaucoup de sens. J'aime l'idée d'avoir un prénom aussi lourd de sens. J'aime l'idée de porter le prénom du chevalier de la table ronde qui a su trouver le Graal par son âme pure et tout ça.

    Hier soir j'ai fini de relire le tout premier tome d'Harry Potter, et ce matin j'ai relu des passages clés du cinquième et du septième tome.

    Harry. L'élu. Celui qui doit battre Voldemort. Celui qui doit mourir. Celui qui porte une mission. Une grande mission.

    J'aime notamment Harry Potter car il me semble que c'est une grande saga sur la mort. Je veux dire : la thématique de la mort est essentielle et fait véritablement sens, tout au fil de la série et spécialement dans les derniers tomes.

    J'aime Dumbledore. J'aime sa malice. J'aime sa fragilité. J'aime lorsque il se sent faible et coupable. Lorsque tout est de sa faute. Et j'aime aussi lorsqu'il dit : 

    "And now, Harry, let us step out into the night and pursue that flighty temptress, adventure."

    (désolé, l'édition française du sixième tome n'est pas sous mon toit)

    J'aime que les personnages de la saga meurent. J'aime que Harry doive mourir. Et j'aime qu'il survive. J'aime que Dumbledore pourchasse le rêve de l'immortalité toute son existence. J'aime que Voldemort ait peur de la mort. J'aime que Harry ne partage pas les faiblesses de Voldemort et Dumbledore. J'aime qu'il supporte la peur. J'aime que Dumbledore arrive à dire sur le tard de sa vie, qu'après tout, la mort est une belle aventure. Qu'il dise ça, après avoir passé toute une partie de sa vie à rechercher les reliques de la mort.

    Il y a véritablement une profondeur dans cette saga.

    Avant de mourir, j'aimerai relire Harry Potter et avoir un peu moins peur.

     

    Quel est mon Graal ?

    Tant de chevaliers ont cherché le graal. Seul Galaad l'a fait. Et Perceval, dans une autre version. Le graal, comme quête ultime. Comme relique du sang du Christ.

    Le Graal, comme symbole de la quête et du sens à donner à sa vie.

    Que cherches-tu ? Quel est ton graal ?

    J'aime ma famille. J'aime ma soeur qui veut devenir maître du monde. J'aime mon autre soeur qui veut s'épanouir dans la collaboration avec des artistes qu'elle admire. J'aime ma mère qui veut devenir art-thérapeute et trouver le prince charmant. Et qui est touchée par Francis qui est un brave parmi les braves, par Francis, qui chaque jour grimpe l'Everest, lorsqu'il passe une heure, seul, à s'habiller, lorsqu'il passe une heure, seul aux toilettes, lorsque, durant des heures, il s'efforce de prendre son petit-déjeuner. Ses seules capacité phyiques sont l'une de ses mains, qu'il manipule comme une pince. Et malgré la banalité du quotidien faite mont Everest, il garde toujours un regard malicieux.

    J'aime mon père, j'aime mon père qui cherche. Mon père qui cherche le fil. J'aime mon père qui cherche à suivre le fil de Saint-Germain d'Auxerre. Qui suit le fil du lin. Qui étudie la symbolique de l'ours. Etc.

    J'aime mon père qui suit des hommes et des femmes chargés de douleur en analyse. J'aime lorsqu'il relie psychanalyse et contes en promenant des gens dans la forêt.

    Et je suis touché par leurs souffrances respectives. Je suis touché lorsque mon père parle de ces bébés qui ne sont pas touchés après leur naissance et qui retiennent : "je ne suis pas aimé. Je ne mérite pas d'être aimé".

    Et je suis touché par ma mère qui, enfant, croit dur comme fer qu'elle a une totite et pas une autite, et qui se BAGARRE à cause de ça : car sa mère, ma grand-mère, vient de Tel-Aviv, et elle dit "totite".

    Je suis touché qu'elle ait haï sa soeur au point d'échaffauder des plans pour l'assassiner.

    Et je suis touché par ma grand-mère Ayala. Ma grand-mère Ayala qui dit qu'on est seul à pouvoir se changer, mais qui ne change pas. Ma grand-mère qui reste fermement dans l'idée, au fond d'elle, "qu'on ne peut faire confiance à personne", et qui l'a inculqué à sa fille. Ses filles. Ma grand-mère qui est bavarde et qui s'achète tout aux puces, et qui veut être payée si elle accepte d'être photographiée par Eva Morcrette que connait ma soeur.

    Et je suis touché par ma grand-mère Gisèle qui a offert, avec Papi Pierre, une éducation si rigide, difficile et douloureuse à mon père, ses frères et ses soeurs. Je suis touché parce qu'aujourd'hui elle est simplement une excellente grand-mère. Une grand-mère admirable. Pleine de bonté, mais aussi de sagesse. Elle ne se retourne pas vers le passé. Et d'ailleurs, elle n'a pas dépassé le quatrième tome d'Harry Potter : elle n'aime pas les choses trop douloureuses. La nuit elle rêve qu'elle se remarie avec Papi Pierre qui est mort. Ou elle rêve d'eau. Elle baigne ses pieds dans l'eau, infinie dans l'horizon.

     

    Je suis touché par ma famille.

    Je me demande si un jour j'aurai moi-même un foyer. Je me demande qu'est-ce que je pourrais bien transmettre à mes enfants. Je me demande quel père imparfait je vais bien pouvoir être à mon tour.

    Que vais-je leur transmettre ? Quelle Histoire vais-je leur transmettre ?

    Que retiendront-ils de leur propre famille, de leurs propres origines, de leur ancêtres ?

    Se sentiront-ils eux-même comme un tronc aux racines multiples et profondes ? Mes racines sont multiples et profondes. Et elles me rendent riches.

    Mes enfants seront-ils aussi riches ?

    Quel est mon graal ? Quelle est ma mission ? Quel est mon but, quel est le sens de ma vie ? Pourquoi m'incombe-t-il de m'appeler Galaad ?

    Que vais-je devenir ?

    Mon graal sera-t-il de tenter de répandre comme je peux le bien à mon échelle ? Sera-t-il de cultiver mon bonheur, en entretenant mon foyer et mon métier ?

    Mon graal sera-t-il de raconter des histoires à un public ? Ou cela n'aura-t-il finalement aucune importance ?

    Mon graal sera-t-il finalement en dehors d'un cocon ? Peut-il se trouver dans les voyages que je n'ai jamais accomplis ?

    Je crois que je vais être heureux. Je m'attends à être heureux. Ces derniers temps, je sens ma vie qui commence. Je sens que les choses se passent bien.

    Je ne sais pas quel est mon graal. Je ne sais pas quel sens a ma vie et je ne sais pas si je l'aurai trouvé avant de mourir. Peut-être que je vais mourir sans avoir compris si j'avais un graal ou pas, sans avoir compris si je l'avais trouvé ou pas.

    Mais une fois j'ai écrit sur ce blog : "Bien sûr, que la vie est absurde ! Mais qui se dit que la vie est absurde, lorsqu'il est heureux ? Il faut être heureux, voilà tout."

    Je ne sais pas si la vie est absurde. Mais je sais qu'il s'agit effectivement de bonheur. Je suis d'accord qu'il faille être heureux. Ça compte beaucoup je crois.

    Après tout, gagner la postérité n'a pas beaucoup d'importance.

    Je crois bien que je ne serais jamais Hary Potter. Ni jamais Bob Dylan, Ou Léonard Cohen. Ou Rainer Maria Rilke. 

    Mais ce n'est pas grave, ça n'a pas d'importance. Il y en a assez de vouloir devenir "grand". Ce n'est pas grave si tu n'es pas remarqué dans la foule. Tu te fiches de la foule. Tu n'as pas à te comparer à la foule. Ce n'est pas grave si tu es aussi petit qu'eux. Du moment que tu pressens que tu as un peu de sens. Du moment que tu sais et que tu sens, en toi, un petit peu de bonheur.

     


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  • Commentaires

    1
    Solveig
    Dimanche 21 Février 2010 à 20:52
    Miettes de thon
    Tiens ! Je n'avais pas vu que tu avais mis ton blog à jour en dehors de l'abricot dans la nuit ! Je trouve ça drôle que tu aies pu donner ton deuxième prénom à un personnage que tu as "tué" ; c'est manifestement par indifférence mais ça reste très surprenant. D'ailleurs, tu n'arrêtes pas de parler de l'Hydromelade mais y a-t'il une possibilité pour que ton lectorat puisse le lire ? Tu ne l'as nulle part online ? (car à force d'y faire référence tu attises la curiosité) J'aime aussi beaucoup la photo que tu as choisie ; sous cet angle j'ai mis une bonne seconde à la comprendre, et d'ailleurs pour des gens qui n'auraient pas assisté à cette fameuse chute, c'est sans doute encore plus surprenant. Voilà, je vais m'arrêter là.
    2
    Lundi 22 Février 2010 à 09:45
    olives vertes en accompagnement
    D'habitude, les "pavés" m'embêtent sur les blogs, mais les tiens me plaisent beaucoup. Tu as une façon très touchante et naturelle de parler de ta famille, et puis la conclusion de tout ça me plaît aussi.
    3
    Lundi 22 Février 2010 à 22:08
    filets de maquereau
    Ouf ! Enfin des commentaires ! J'étais assez content de cette note et je m'inquiétais de l'absence de réactions… Je me disais : "c'est vrai que je n'ai pas répondu aux derniers commentaires de Bratha… Mais je n'avais rien d'intéressant à répondre ! Suis-je un blogueur malpoli ? Est-ce que c'est pour ça qu'on ne me met pas de commentaires ? Ou est-ce que mon article est choquant sans que je m'en sois rendu compte ?…" etc. Mais, enfin, vous réagissez, et j'en suis ravi. Pour l'Hydromelade, c'est vrai que ces temps-ci j'en parle beaucoup. Figurez-vous que durant ces vacances, j'en ai profité pour en éditer un exemplaire pour le faire tourner à Strasbourg. Je suis donc prêt à vous le prêter mais il faudra me jurer d'être indulgent, c'est après tout une "oeuvre de jeunesse"… Même si tout ce que je peux faire encore maintenant relèverait de "l'oeuvre de jeunesse". Je suis donc content d'avoir vos commentaires car, sincèrement, ça commençait à faire assez longtemps que je n'avais pas écrit une note avec cet élan-là, en me surprenant moi-même… sans m'être "forcé" à écrire sur mon blog. J'étais assez content d'écrire cette note. Bon voilà je me tais maintenant.
    4
    Solveig
    Mardi 23 Février 2010 à 07:39
    Graines de courges
    Ah, très bien, fais tourner ! Tu as écrit ça il y a combien de temps au juste ? On espère que tu auras de nouveau l'occasion d'écrire pou ton blog avec joie.
    5
    Mardi 23 Février 2010 à 11:04
    °Mais°
    °Depuis quand L'Hydromelade a-t-il disparu de tes liens ? Avant il y avait un lien pour le lire en ligne. Et à propos de l'absence de commentaire, j'ai lu cette nouvelle note dès samedi et j'avais très envie d'y répondre, mais ça m'évoque tellement de choses que je vais en faire un article sur mon propre blog. Résultat j'attends d'avoir le temps de l'écrire !°
    6
    Kate
    Lundi 5 Avril 2010 à 21:22
    Fleur de chou mais pas chou-fleur.
    Comment suis-je arrivée ici ? Je l'ignore. Vais-je revenir ici ? Je l'ignore. Enfin, qui suis-je ? Tu l'ignores. Mais ces questions nous sont égales, parce que l'essentiel, c'est ton texte. Il se trouve que je l'ai lu et il se trouve que je l'ai aimé. Va savoir pourquoi. La tournure, sûrement. Passer du coq à l'âne si facilement est un fort. C'est en particulier le mien, quand il s'agit d'user de ses cordes vocales, mais je remarque que c'est également le tien, du moins dans cet écrit. Je ne vais pas m'attarder, car il n'y a pas grand-chose à dire. En outre, je poste un commentaire plus d'un mois après la publication de cet article. J'écris, des textes en particulier(et j'ai toujours entrepris d'écrire des livres, mais en vain, je n'ai pour le moment pas la patience d'écrire plus de 20 pages, malheureusement), depuis tellement d'années... Je suis bien placée pour savoir que lorsque l'inspiration s'annonce, les mots s'étendent, et on finit par se rendre compte au bout d'un certain temps que nos doigts viennent de taper sur le clavier un sacré pavé. C'est visiblement ce qu'il t'est arrivé ce 19 février, très cher Florian. Et c'est sûrement cela qui marque la beauté de cette note. L'inspiration. Pourtant, je suppose que tu n'avais jamais songé auparavant à écrire un tel texte. Eh bien, peu importe, sache qu'il est tout simplement bon à lire. J'y ai trouvé une certaine douceur et allégresse qui m'ont poussée à lire jusqu'au bout. Ecrire. Tu devrais t'y adonner plus régulièrement, sur ce blog. C'est un vrai régal. "Je ne sais pas où je vais, mais je vais bien". Je trouve cela très subtil, très intelligent. Double effet, double sens. Je ne sais pas si c'est fait intentionnellement mais à la première lecture, j'y ai trouvé un jeu de mots. J'ai d'abord compris que le "mais je vais bien" partait du sens "je vais quelque part, bien que je ne sache pas où, et c'est une bonne route". Puis j'ai relu la phrase et j'y ai perçu un sens banal "Je ne sais pas où je vais mais je vais bien" dans le sens où je suis perdu mais pas de quoi s'inquiéter, parce que je suis en bonne santé, ou je me porte à merveille. M'enfin. Je m'attarde, je m'attarde... J'ai cru comprendre que tu écrivais... "L'hydromelade" n'est-ce pas ? 175 pages A4. Mes félicitations, jeune homme ! Je ne crains d'avoir déjà trois ou quatre petits-enfants sur le dos, le jour où j'atteindrai la centaine de pages ! Bref. Réussite à toi, Florian. Amicalement, Kate.
    7
    Lundi 5 Avril 2010 à 23:14
    à kate
    Ton commentaire me fait énormément plaisir : en fait, j'aime qu'on m'adresse des pavés, et j'aime qu'on m'adule !… Hé hé. Pour le titre, c'est tout à fait ça (et le jeu de mots est donc intentionnel) : je vais bien, et je VAIS bien. Enfin, tu as compris quoi. Tu as raison, je devrais écrire plus souvent, mais "l'inspiration" comme tu dis ne me vient pas si souvent. Disons que, pour écrire sur mon blog, j'ai besoin d'être en mode "pause". J'ai besoin d'avoir la paix, d'être tranquille… Et d'avoir le cerveau réveillé. Lorsque je suis à Strasbourg, entre l'école, le boulot, les amis, les bédés à lire, la GLANDE, la vie en coloc, j'oublie de prendre le temps d'écrire. Cela dit cela ne devrait plus trop tarder je pense. Peut-être même ce soir ? Aucune idée. Mais c'est vrai, je devrais mieux tenir mon blog. Je devrais aussi dessiner davantage. La vérité c'est que je me repose un peu sur mes lauriers, alors que j'aurais tellement à faire, à progresser… J'ai tellement à progresser. En tout cas, merci beaucoup pour ton commentaire qui m'a fait très plaisir, j'espère que tu repasseras à l'occasion. Florian
    8
    Mardi 13 Avril 2010 à 20:23
    Heureux hasard
    J'étais sur le blog de Swan' et puis j'ai décidé de découvrir. J'ai cliqué au hasard dans ses liens, donc. Je n'ai certes pas fait un grand effort de hasard en choisissant le premier de la liste, mais après tout qu'est ce que le hasard ? Me voici donc chez toi, Florian. Le titre du blog me plait, le titre du dernier article aussi, je démarre ma lecture. Très bien écrit. Je suis jalouse. Devant des blogs comme ça, je me dis que j'écris comme une merde et qu'on m'a menti toute ma vie. Parce que moi j'ai un blog instable, dans lequel je ne suis pas capable de rester sur un sujet sans glisser vers autre chose. On m'a parlé un jour de mon manque de concision, ça rentre sûrement là dedans. Tu vois, je m'égare encore. C'est fou. Donc je disais. Ton blog est super, tu as un incontestable talent. Dixit la gamine qui ne savait pas écrire. Bon, sur ce, je pense que je vais me retirer. Ha, non. Je ne t'ai pas encore dit que je trouvais ça trop fun de s'appeller Gadaal, même comme troisième prénom. Moi mon deuxième prénom est Elijah, je ne sais pas l'orthographier et manifestement c'est un prénom masculin. Quand je gagnerai mon propre argent, je relirais tous les Harry Potter en anglais. Ce sera bien.
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