• Du dessin comme une façon aimée de rendre un hommage à une réalité aimée

    Cet après-midi je suis passé à Boulinier. Vous savez, à Saint-michel. Pas loin de Gibert. 

    Je voulais y passer assez vite, pour me rendre après à Beaubourg. Eh bien, je ne suis pas allé à Beaubourg. Je ne pensais pas que le rayon bédé de Boulinier allait être aussi prenant. Il est beaucoup plus riche qu'à Gibert. 

    Je me suis oublié, dans ce rayon bd (mais c'est un étage, en fait). J'ai disséqué chaque recoin de la pièce.

    Venons-en au fait. J'ai acheté un livre à propos d'Edmond Baudoin, et j'ai feuilleté "Le pavé de Paris", d'Emmanuel Guibert. Je ne l'ai pas acheté car il coûtait une trentaine d'euros. Mais j'ai dû admirer chaque page.

    On se sent limité, quand on regarde un livre pareil. 

    (Pour vous expliquer, c'est un livre contenant textes et croquis. Des croquis d'observations. En fait, c'est pas une bande dessinée.) 

    On sent l'amour sans conditions pour le dessin.

    Et c'est pour ça qu'Emmanuel Guibert doit être un des meilleurs dessinateurs du monde. Parce qu'il aime le dessin comme nul autre.

    Quand je parle de dessin, je parle du réel. Du dessin du réel. Du dessin de ce que l'on voit.

    Le dessin est beau lorsqu'il est une sorte de gage de remerciement pour ce qui est vu.

    Quelque-chose est tellement beau qu'il faut absolument le dessiner.

    Le dessin d'invention n'est pas vide d'intérêt, mais tout doit partir du réel.

    Et je pense que le talent naît de l'amour. Je pense qu'Emmanuel Guibert a ce talent dingue parce qu'il aime. Il aime dessiner ce qu'il voit comme on pourrait aimer toucher un corps.

    Il y a un croquis dingue avec de la vaisselle laissée dans un égouttoir, à côté donc de l'évier. Sous une fenêtre. Parmi la vaisselle, une casserole. Je n'ai jamais vu un dessin de casserole à la fois aussi beau et simple. Il a dû faire ça au lavis, il y a des jeux de lumière et de masses incroyables. J'ai dû passer des minutes entières devant ce croquis. J'étais en admiration totale et je ne souhaitais pas tourner la page.

    Plus loin, il y a des chaussures devant un lit, et devant les chaussures deux traces de lumière, soient celle des carreaux d'une fenêtre.

    Moi aussi, j'aime ce genre d'images. Moi aussi j'aurais trouvé ça beau et je me serai figé devant ce spectacle. Mais je n'aurais pas sorti mon carnet de croquis, j'aurais sorti mon appareil photographique. 

    Il y a différentes façons d'aimer voir et d'éprouver son amour pour ce qui nous est permis de voir. Plusieurs manières de retenir l'instant. Notamment le dessin et la photo.
    Devant certaines situations, ma première envie est de sortir mon carnet de croquis. Devant d'autre, j'aimerai saisir mon appareil photographique.

    Emmanuel Guibert fait des croquis de situations que j'aurais pris en photo.

    Alors peut-être que je suis moins doué qu'Emmanuel Guibert parce que ma manière d'aimer ce que je vois ne passe pas forcément par le dessin. Peut-être que je n'aime pas le dessin tant que ça. Il y a aimer voir, regarder, et il y a aimer dessiner ça. Et c'est deux choses bien différentes, qui se distinguent. Peut-être que j'aime plus voir que rendre un hommage digne de ce nom à ce qui est vu. Peut-être que j'aime autant la photo que le dessin.

    Je ne serais jamais Emmanuel Guibert et ça m'en fait presque de la peine. Je me sens limité.


    Ce que j'aime lorsque je peins, ce qui m'intéresse, me préoccupe, c'est ça : c'est dessiner par amour, par désir de rendre hommage à une situation visuelle... Et je veux peindre sans tamis, sans pré-mâchage. Je crache à la bouche de la peinture d'après photo, ce que j'aime c'est la relation directe entre la situation perçue, l'oeil, et la main.

    Et, vous savez quoi ?... je me retrouve pourtant à utiliser des photos... Qui pourtant se suffisent à elles-même. Alors, qu'est-ce que je cherche à faire ?...

    Mon prof me pousse à être attentif à mes photographies, à l'articulation qu'il pourrait y avoir entre ma peinture et mes photos. Il veut que mes photos m'aident à avancer. Alors je me retrouve à utiliser des photos pour peindre.

    Parce que la photographie c'est un composition, une organisation, et patati et patata.

    J'aimerai faire des dessins d'observation égales à mes photographies. Je veux dire : je veux pas des dessins super réalistes, simplement, des dessins qui dans la composition et l'organisation des éléments, serait aussi intéressant que ce que j'aurais fait avec mon appareil photographique...

    À l'atelier, je peins sur un mur. Sur du format d'un mètre cinquante fois un mètre cinquante. Je ne peux pas peindre simplement ce que je vois. Je l'ai fait plusieurs fois, avec un miroir et ma tête. Mais ça ne suffit pas. Je ne peux pourtant pas aller beaucoup plus loin. Je ne peux pas me promener partout avec mon tout mon matos, comme un impressionniste. Je ne peux pas bouger, quoi.

    Alors je m'appuie sur des photos. Et je m'emmerde. Et je peins de la merde. Et ça me fait de la peine.

    Mais jvais trouver une solution. 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :