• Le renard, adossé contre son fauteuil, les mains derrière la tête, contemplait gravement son écran d'ordinateur. Il soupira, et remarqua :

     — Il manque un truc...

     — Hein ? demanda distraitement Pierrot, absorbé dans le dessin qu'il mettait à exécution, assis sur le lit.

     — Je dis qu'il manque un truc...

     — Dans mon dessin aussi...

     Et les deux soupirèrent en même temps.

     — Tu en es où ?

     — J'ai fini d'écrire, mais je corrige. Je n'arrive pas à rédiger des phrases correctes et fidèles à l'esprit. Et toi ?

     — Pareil, je corrige... Et... Il manque vraiment un truc...

     Renard et Pierrot, sérieux et muets devant leurs travaux respectifs, étaient dans la petite chambre de Renard. Dans la chambre de Renard, il y avait justement un trou, au plafond. Un énorme et large trou, à ciel ouvert. Quand il pleuvait, Renard mettait un immense seau, juste en-dessous du trou. Quand il faisait beau, par contre, le trou créait un très large rai de lumière, absolument magnifique, au beau milieu de la pièce. Lorsque il se plaçait juste en dessous, on aurait dit un saint, ou bien un acteur dans un monologue. De temps en temps, à travers le trou, il pouvait contempler le vol synchronisé des oiseaux. Sinon, il voyait la méteo.

    Pierrot se grattait souvent la tête. Il fouillait ses cheveux, à l'affût de la moindre parcelle de croûte un tant soit peu cahoteuse. Alors, il accrochait ses ongles à la côte croûteuse, et tirait, le bout de crôute suivait un cheveu comme un train suivrait un rail, et une fois entre les doigts, Pierrot l'expédiait dans une pichenette, ou en frottant ses doigts. Pierrot se grattait ainsi la croûte dès qu'il lisait quelque-chose, ou qu'il réfléchissait.

    C'est ainsi que, alors que Pierrot contemplait insatisfait son dessin, il se grattait la tête. Renard, lui, avait la tête posée sur son dossier comme elle l'aurait été sur le lavabo d'un shampouineur, et la tête ainsi à l'envers, il contemplait son trou dans le plafond, tout en constatant toujours qu'il manquait quelque-chose.

    — Dis-moi un mot, demanda Renard.

    — Marteau.

    — Merci...

    Et Renard commença à écrire autre chose, un texte dont le premier mot était "marteau". Les doigts piétinèrent de nouveau violemment le clavier. Pierrot, lui, tourna sa page, et crayonna autre chose également. 

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  • La flemme. Les forces qui te manquent. Ton corps debout, tes pieds qui le tiennent, lourds, s'enracinant au sol. S'asseoir, tu veux t'asseoir. Tes bras mous, ballants. Ta jambe repliée, tu poses une main sur ta hanche. Ton corps lourd comme un éléphant, mou comme une pâte à pizza.
    Et puis... Et puis ça bouge. Ça commence par ta tête. Ça t'arrive dans l'oreille. Du son. Tes sourcils se froncent ou se haussent, en tout cas, ils réagissent. Le son continue, signe, persiste; et à l'intérieur de ta tête, il s'installe, commence à faire sa vie, s'assoit sur le canapé, allume la télé, va aux chiottes, dort chez toi, et surtout, y fait la fête.
    Ta tête engourdie, obnubilée, hypnotisée par le son, et qui vibre, vibre et propage des ondes jusqu'à ton corps, qui, mon dieu, qui bouge !
    Une phrase rythmique qui t'ensorcèle comme la voix d'un hypnotiseur, et qui t'influence. Un instrument, un deuxième, un troisième, un quatrième. Ils se superposent, s'additionent, s'accordent et s'harmonisent ensemble pour un plaisir toujours intense. Tu ne peux t'empêcher de taper du pied pour marquer le rythme. Peut-être même qui tu fais discrètement bouger tes fesses, posées pourtant sur le fauteuil. Des instruments chauds, des instruments froids. Des instruments classiques, rock, jazzy ou bien world, qui chantent délicatement ou comme des forcenés. Qui chantent, et qui jouent pour toi. La voix triste du piano. La mélancolie d'une guitare. L'empressement d'un tambour. La force des timbales. La poésie d'une scie musicale.
    Quels qu'ils soient. Quels qu'ils soient, ils jouent leurs textes. Avec entrain, lenteur, torpeur, avec empressement et énergie; et parfois, parfois ils crient, ils se mettent en colère, ils gueulent, ils honnissent; et puis, et puis parfois, ils chantent comme le rossignol, parfois ils chantent la joie, parfois, ils chantent l'amour et la passion, ils chantent la force, ils chantent les pas qui volent en avant; parfois, ils chantent la supplication, le désespoir, la mélancolie, avec leur voix, leur voix qui se module, et avec leurs mélodies, leurs mélodies dansantes ou lanscinantes, se répétant, ou se rompant, se cassant et se renouvellant constamment, toujours inédite, avec une mélodie subtile, complexe et belle, “gorgeous”, ou une mélodie si simple, si simple, et pourtant si incroyablement belle et riche; et cette mélodie, cette voix, s'accorde aux mélodies et aux voix des autres, et tous ensemble, dans leur immense orchestre, ils t'atteignent, ils te piquent et te transpercent, ou bien s'immiscent lentement, partant doucement, lentement, opérant un crescendo, démarrant les choeurs, accélérant le rythme, te prenant et te lançant dans un syphon magnifique vers le haut; et toujours, toujours, ils te gagnent, t'envahissent, rentrent en toi; et tu n'y peux rien, tu n'y peux rien, et tu ressens. Ton sang circule différemment en toi, comme accompagné d'une énergie, rentrée par tes oreilles, atteignant ton cerveau, tes émotions, ton corps, et tu réagis, tu t'émeus, tu danses, tu ne danses pas, tu chantes, tu chantonnes, tu refoules, mais tu sens, tu sens toute la force contenue en toi, immatérielle mais réelle, que l'on t'a communiqué, simplement, très simplement avec des sons, des sons aux voix différentes, aux tons différents, aux rythmes différents, et qui ensemble, évoluent, cheminent, et se transforment en émotions qui t'enflamment intérieurement.

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  • Je suis face à un problème considérable. Aujourd'hui, j'ai envie de parler bouquins.

    Je suis en train de lire Le Guépard pour mon cours de littérature. Et il faudra ensuite que je m'aligne Roméo et Juliette.

    Et j'étais en train de lire mon guépard quand j'ai eu envie de vous écrire. En fait, je trouve que la littérature est un support délicat. Plus que la bédé ou le cinéma.

    Je suis en train de lire mon guépard, et, sincèrement, j'aime bien ce livre. Non, sincèrement. Je trouve ça pas mal. Mais... Bon sang, je ne suis pas captivé. Peut-être, peut-être que c'est parce que j'en suis encore au début (j'en suis au début de la deuxième partie, en fait (sur six parties je crois)), et peut-être donc que ça va s'améliorer, mais, en attendant, je le lis, et en lisant, je ne fais que lire : je ne plonge pas, je ne m'absorbe pas vraiment, je pense même à ces autres choses que je pourrais faire.

    Un film, même plombant, on le regarde, on se contente de regarder l'écran, et on va tranquillement jusqu'à la fin du film. Au cinéma, le spectateur est plutôt passif. Il fait rien. Mais un lecteur. Un lecteur, il lit les mots et les lignes, il tourne les pages. Alors, si le récit est plombant, il ne pourra pas se contenter de simplement regarder l'écran jusqu'à la fin; non, il faudra lire, tourner les pages. La littérature réclame un rôle actif au lecteur.
    Voilà ce qui fait que, pour moi, la littérature est une affaire plus délicate.

    Il me faut deux ingrédients indispensables pour vraiment lire bien un bouquin :

    - lire un récit qui me captive et dans lequel je me plonge vraiment.

    - Ne pas penser aux autres choses que je pourrais ou que je voudrais faire.

    Bref, il me faut un bon bouquin, et un bon contexte. Quand je lis les livres que moi je veux, j'ai souvent le bon bouquin. Mais le contexte est une autre affaire. Sans compter que je n'ai pas de délai, alors, pour lire mon livre, alors je prends mon temps. Pour le guépard, c'est plus compliqué.

    Dans ma maison d'été, c'est bien, c'est tranquille. Il n'y a pas d'ordi. Je passe mes journées à lire dans un vieux sofa vert. C'est formidable. C'est là que je lis le plus, indéniablement. Mais je n'y passe que deux semaines par an, quelquechose comme ça, guère plus.

    Si on est pas dans un lieu comme ça, de prédilection... Ça va être ardu.

    J'ai très envie de comparer la lecture au sommeil : pour dormir, il faut être fatigué. On se couche, et on attend de s'endormir. Alors on se pose. On finit par somnoler. Puis doucement on s'endort.

    Pour moi, au contraire du cinéma par exemple, dans lequel on se voit obligé de plonger assez brutalement, la lecture requiert toute une phase antécédente avant de véritablement être absorbé par ce qu'on lit. On fait l'effort de lire, alors on se pose bien confortablement, on éteint la radio, ou bienon se met une musique pas trop captivante, et puis on ouvre son livre. On lit, on lit, et puis on "somnole" : on lit sans vraiment être absorbé. Finalement, en général, on finit par plonger dans le sommeil de la littérature.

    Selon les bouquins, on s'endort plus au moins vite. Je m'endors quasiment instantanément lorsque je lis Harry Potter. Je plonge dans John Irving. Et il y en a plein, comme ça. Mais le Guépard... C'est une autre affaire.

    Ah là là... Maintenant que j'ai rapporté toutes mes plaintes, je devrais peut-être essayer de continuer de lire Le guépard.

    Peut-être que je devrais essayer de lire davantage, pour l'année 2008. M'entraîner à trouver le bon moment pour. Le truc c'est que je lis aussi plein de bédés. Il faudrait peut-être que je trouve un équilibre entre ma lecture de livres et de bandes dessinées ?

    Le pire, c'est quand je pense à tous les livres qu'il faudrait que je lise, et au rythme de mes lectures. Heureusement que chaque année, ce rythme s'accélère grandement le temps d'un été. Mais quand même.

     


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