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  • Le renard m'a dit ensuite:
    - Tu vois bien que tu n'utilises pas la bonne méthode.
    - Mais qu'est-ce qu'il faudrait que je fasse?
    - Eh bien, au lieu de faire tes machins stériles, regarde les machins des autres, très fertiles, tu te rendras soit compte que ce que tu avais fait n'était pas original, soit tu te rendras compte que toi, tu n'es vraiment pas doué.
    - Je n'ai pas vraiment envie de me rendre compte de ces choses-là...
    - Peut-être, mais si tu ne te fixes pas de repères, tu n'arriveras à rien. Regarde ce que les autres ont fait, observe bien, digère tout ça, et défèque-le en un machin qui sera à toi.
    - Je n'aime pas le terme "déféquer". Il ne correspond pas à ce que vous décrivez. Ou alors j'ai mal compris.
    - Tu as raison. Mais, pour ma défense, il me semblait logique de l'utiliser après "digérer", qui, lui, correspondait assez bien.
    — Nous parlons de broutilles.
    - Oui. Donc, vois-tu, tout ce que tu fais pour l'instant, c'est nul. Les pros font beaucoup mieux que toi.
    - Mais ils ne sont pas nés comme ça. Eux aussi, ils ont eu mon niveau.
    - C'est exact. Qu'en déduis-tu?
    - Qu'il faut que je continue de travailler. Au bout d'un certain temps, j'acquerrai surement un niveau équivalent au leur.
    - Peut-être bien.
    - Peut-être bien. Mais, cela m'embête, parce que pour l'instant, quand je me confronte à quelque chose auquel je n'ai pas l'habitude de me confronter, je rate mon travail et barre sauvagement. Je n'y arrive pas.
    - C'est bon signe. Si tu y arrivais, c'est que tu aurais fini de l'apprendre, et qu'il faudrait passer à autre chose. Puisque tu n'y arrives pas, continue de travailler ça, et ça viendra surement, au bout d'un moment.
    - Oui. Mais, en attendant, c'est ennuyeux.
    - Persévère. Persévère et tu finiras par y arriver.
    - Il y a autre chose qui m'ennuie, renard.
    - Quoi?
    - Lorsque je veux réussir quelque chose, faire quelque chose d'original, je ne peux pas le faire rapidement. Je ne fais rapidement que des choses qui me sont aujourd'hui faciles, mais je ne peux pas faire de chefs-d'œuvres en cinq minutes, ou alors pour moi ce n'en sont pas, non, pour faire des choses intéressantes, vraiment réussies, cela me prend énormément de temps, il faut que je le prépare, voire que je le recommence, que je le reprenne, c'est terriblement fastidieux, mais ce n'est pas cela qui me gêne. Non, ce qui me gène, c'est de rater mes travaux quand je fais n'importe quoi. Je voudrais faire des n'importe quoi qui seraient merveilleux.
    - C'est le rêve de beaucoup de gens, m'a répondu le renard.
    - Je voudrais commencer à écrire et, à la fin, avoir fait quelque chose de magnifique.
    - Je te comprends, m'a encore répondu le renard.
    Je regardais le renard, et j'avais la sensation de ne pas avoir tout dit, il restait des choses dans mon sac à déverser, mais j'ai compris que c'était une fausse impression, et je l'ai juste regardé.

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  • Et comme je n'ai rien d'autre à dire ce soir et d'autres choses à faire, voilà simplement un petit extrait de "L'hydromelade":

    "    Dans la vie, il y a les gens qui se disent : “oeil pour oeil, dent pour dent.” Et il y a les autres, qui se disent : “Si la haine répond à la haine, quand donc la haine finira-t-elle? Seul le pardon peut y mettre fin.” Puis enfin, il y a ceux qui pensent : “Pour un oeil, les deux yeux; pour une dent, la mâchoire.” C'était ces derniers qui avaient l'adhésion d'Alexandre.        
       
        Il entreprit donc de laisser un peu son roman tranquille, dont il avait commencé la rédaction, pour réfléchir à la sentence qu'il m'infligerait. Cela lui fit bizarre de penser que je savais la décision qu'il allait prendre, alors que lui-même ne le savait pas encore. Mais il appréciait l'idée de pouvoir se venger, et réfléchissait à quelle serait la pire sentance, la plus méchante, qu'il pourrait m'infliger. Traverser la Manche à la nage? Pourquoi pas...Le faire prendre une ligne de métro à une heure de pointe, et le faire traverser toute la ligne en lui demandant de crier :  “Je suis un putain d'enculé de merde”? Alexandre songea que les deux propositions étaient séduisantes. Alors, allait-il m'infliger la traversée de la Manche, ou les auto-insultes dans le métro? Il se décida pour les auto-insultes. Il composa mon numéro en souriant jusqu'aux oreilles lorsque mon téléphone sonna. Le téléphone était juste à côté de moi, mais je n'ai pas décroché tout de suite. J'ai répondu à la troisième sonnerie, en soupirant :
     — Allô Alexandre?
     — Dites-moi, est-ce que vous saviez vraiment que demain, vous alliez faire toute une ligne de métro en heure de pointe en criant : “Je suis un putain d'enculé de merde!”, quand vous m'avez acheté ce billet pour Rennes et que vous m'avez mis dans ce train?
     — Ma foi, c'est exact, je le savais.
     — Alors vous êtes vraiment maso. Et cinglé. Rendez-vous demain à la station de Bastille, à sept heures du matin.
    Et il a raccroché."
     


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