Je vois la photo d'un chat et c'est drôle, il est vivant, ou il l'était, mais ce n'est que l'image d'un chat. Et même quand je vois vraiment un chat, il existe, il vit, mais pour moi, c'est l'image d'un chat que me donne mes yeux. En fait, tout ce que l'on voit, tout ce que l'on touche, tout ce que l'on pense nous fait revenir à nous-même. C'est à dire que, à travers l'existence, nous incarnons un espèce de point, et avec ce point, un point de vue. Et ainsi, tout cette vue nous rappelle le point que nous sommes. C'est pour ça qu'on est égocentrique. On est égocentrique parce que nous sommes ce point de vue, donc cette vue à partir du point que nous sommes, et ce point. Et surtout, nous sommes ce point et aucun autre point. Même si on se dit qu'on a plein de facettes et donc d'une certaine manière plein de "moi" différents, tous ces "moi", ne forment que des "moi" qui sont "moi". On sort pas de soi. On n'est pas quelqu'un d'autre, et même si on était quelqu'un d'autre, alors on serait toujours soi. On est égocentrique parce que c'est grâce à notre propre existence qu'on est vivants. Or, la vie, c'est TOUT.
Tout est centré sur notre propre existence. Et là: Un jour on meurt tous. C'est normal qu'on ait peur de la mort! La mort, c'est la fin de la vie, donc la fin de TOUT! D'accord, après la mort ce sera pareil, sauf qu'on sera plus là, mais ce sera plus pareil pour nous! Donc la mort est une question de point de vue. Comme toujours. Tout dépend toujours du point de vue.
Mais bon. On a beau tous crever un jour, j'adore boire des chocolats chauds, lire Calvin et Hobbes, lire des romans que je n'ai pas hâte de finir. J'adore avoir des discussions philosophico-psycho-spirituelles avec ma mère, admirer cet arbre noirci par la pluie, et m'exclamer "C'est si beau!" avec les larmes aux yeux, au lieu que je suis juste en train de me prélasser, allongé, sur la pelouse du lycée, une marguerite dans ma bouche et un ciel bleu et blanc au-dessus de moi. On a beau tous crever un jour, j'adore penser à tout ce que j'ai pas encore vécu, j'adore écouter l'album "Sibérie m'était contée" de Manu Chao, rêver la nuit, dans mon sommeil, que je suis dans ses bras et que je lui dis que ses yeux ressemblent à du miel, j'adore jouer du théâtre avec mes collègues amateurs, j'adore imaginer ce que je ne vis pas, j'ai adoré lire "Le voyage" d'Edmond Baudoin, j'adore sortir quand il pleut et me mouiller jusqu'au sang, tout heureux, j'ai adoré m'allonger sur la cour du collège alors que c'est la fête de fin de collège et qu'il pleuvait sur la cour sur laquelle j'étais allongé, que Mère-Nature me pissait dessus et que les gens me regardaient bizarrement. J'ai adoré faire la danse de la pluie avec des amies un peu avant, j'ai adoré voyager à Londres et à Barcelone, au collège,
j'ai adoré les hivers aux Alpes, dans un minuscule chalet, les tisanes qu'on buvait en famille, bien au chaud tandis que dehors il neigeait. J'adore m'asseoir sur un banc de la cour du lycée et pencher ma tête vers le ciel. J'adore vivre.
...Tant pis si c'est temporaire...